58 - Titouan, un retour aux origines
- Jo et Jo

- 1 oct. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 janv. 2024
Lors de la longue traversée au retour des Marquises, profondément marqué par la beauté sauvage de l’endroit, est née l’idée d’un roman qui se nourrirait des lieux visités et des mœurs de la population polynésienne.
Nullement autobiographique, ce récit sera malgré tout familier à tous ceux qui ont suivi nos péripéties d’archipel en archipel.
L’ouvrage s’appelle « Titouan, un retour aux origines ». Il a été publié chez l’éditeur BOD (Books On Demand). Il est également présent sur une quinzaine de plateformes comme Fnac, Decitre Eyrolles, Amazon, Cultura, Numilog...
Disponible notamment sur le site de BOD par le lien ci-dessous :

En voici le premier chapitre :
Le grand départ
« Mesdames, Messieurs, bonjour et bienvenue à bord de l’Airbus A320 à destination de Papeete. Notre temps de vol sera aujourd’hui de vingt-deux heures. Beau temps sur le trajet avec quelques turbulences prévues en approche lors de notre escale de Los Angeles. A notre arrivée en Polynésie, c’est du beau temps attendu avec une température de trente-deux degrés. »
Titouan respira profondément en bouclant sa ceinture.
Non qu’il craignît de prendre l’avion ni qu’il appréhendât la durée d’un tel voyage. Son soupir venait d’ailleurs. Il se souvenait avec un petit pincement au cœur qu’il avait fait le même trajet voici deux ans lors de son voyage de noces.
Aujourd’hui, en ce 23 juin 2003, il était seul avec son billet sans retour, quittant la métropole pour revenir là où tout avait commencé aux premiers jours de sa vie.
Depuis ce dernier voyage deux années auparavant, il s’était passé tant de choses dans son existence…
En prenant place dans l’avion, il fermait le livre de sa vie d’avant. Tout se bousculait dans sa tête. Des flashs défilaient comme cela se passe parait-il à l’approche de la mort. En fait, c’était un peu ça qui lui arrivait : une renaissance, une renaissance à vingt-sept ans.
Il effectuait le grand saut, celui qui le propulsait à l’autre bout de la planète, à la découverte de lui-même, de son histoire. Il partait sans savoir ce qui l’attendait vraiment, simplement parce qu’il n’avait pas d’autre choix après les lourdes révélations qui l’avaient conduites à monter dans cet avion.
« Mon nom est Maeva, je suis votre chef de cabine. Le commandant de bord M. Armand et l’ensemble de l’équipage a le plaisir de vous recevoir à bord de ce vol Air France... »
La voix de l’hôtesse se perdit dans la rêverie de Titouan. Avec son uniforme bleu marine, ses cheveux noirs en chignon qu’agrémentait une fleur de tiare, sa peau mate et son léger accent chantant à la prononciation typique des « r » roulés dans un charmant ramage, il se sentait déjà transporté à Tahiti.
Elle récitait machinalement sa leçon pour la millième fois et s’affairait à dérouler les démonstrations de sécurité dans un ballet de gestes mécaniques auquel personne ne prêtait la moindre attention.
Un seul but unissait les passagers de ce vol régulier : atterrir au paradis pour des vacances en famille, pour leur travail ou pour un voyage de noces.
Pour Titouan, c’était un pèlerinage et une quête. Il plongeait dans ses réflexions, refaisant le chemin de sa vie, sa rencontre avec Iseult qu’il avait aimée plus que tout et dont il venait de se séparer. Il sourit malgré lui en pensant qu’il prenait un avion sans elle pour foncer vers son destin. Un avion sans elle… Il nota ce bon mot dans un petit carnet extrait de la poche de son pantalon à soufflets qui lui donnait, avec son tee-shirt beige, sa barbe de trois jours et ses cheveux noués par un catogan, un air d’aventurier des temps modernes.
Il repensait aux révélations de sa mère sur son lit de mort, qui lui avait enfin ouvert la porte sur les terribles secrets de ses origines. Elle avait eu l’élégance de disculper dans son dernier souffle ce père qui avait quitté le domicile dix ans auparavant et qui avait laissé des interrogations et une profonde blessure dans son cœur d’adolescent.
Elle ne lui avait pas tout révélé, mais il en avait su assez pour conduire une enquête qui l’avait conduit dans le nord de l’Europe. Cette quête avait occupé tout son esprit, mobilisé toute son énergie, mettant à bas sa vie professionnelle et son couple.
Il repensait à ce père qui n’était pas le sien et qui lui venait de lui ouvrir d’autres portes que sa mère avait verrouillées dans l’oubli des secrets de famille.
Elle avait été emportée trop vite d’un cancer du pancréas, mais elle était partie apaisée, enfin... Cette mère aimante et secrète, il l’emmenait avec lui dans une petite urne placée religieusement dans une de ses valises, dans la soute à bagages de l’Airbus, quelque part en dessous du plancher de la cabine. Il venait de la soustraire de son lieu d’exhumation pour la transporter en douce à l’autre bout du monde. Il se devait de disperser ses cendres dans une île des Marquises.
Son dernier voyage était pour elle aussi un retour aux sources.
Depuis un an, il avait lu tout sur la découverte de la Polynésie, les récits des migrations de ce peuple de marins, leur découverte par les premiers explorateurs. Il s’était passionné pour les voyages de Cook, de Wallis et de Bougainville. Il avait adoré les romans d’Herman Melville, l’auteur de Moby Dick. Il avait annoté des passages entiers du récit autobiographique « Dans les mers du Sud » de Robert-Louis Stevenson. Il avait été touché par l’expédition du « Kon Tiki » par le norvégien Thor Heyerdahl. Tout était parti d’une révélation dans une île des Marquises, similaire à celle qu’il avait lui-même vécue voici deux ans.
Pour l’instant, il remontait le temps, en franchissant à 40.000 pieds et 900 km/heure les fuseaux horaires pour un former un décalage de douze heures avec la France. Il remontait surtout le temps en quête de ses origines.
Sous son tee-shirt, sa tache de naissance, un étrange triangle pigmenté de brun avec la pointe en bas. Ce n’était pas un mélanome et cela ne laissait en rien suspecter une cellule cancéreuse. Elle était simplement sa compagne depuis toujours, sa « marque de fabrique » comme il disait.
Sa localisation au niveau du cœur, à mi-chemin entre le mamelon gauche et le plexus solaire, n’était pas visible ni ostensible. Il n’y avait qu’à la piscine que cet angiome atypique avait autrefois suscitée la curiosité et attisée a moquerie de ses camarades.
Mais deux ans auparavant, sur une plage de Nuku Hiva un vieil indigène avait interpellé Titouan en lui disant reconnaitre cette tache de famille en lui annonçant une incroyable prophétie.
C’est également lors de cette période qu’il avait reçu la troublante révélation de la formidable énergie de son aura - son « mana » - apparue dans un lieu sacré en pleine forêt de cette île marquisienne.
De quoi instiller bien des questions dans son esprit jusque-là sans histoires et bouleverser une vie paisible et bien rangée.
La tête emplie de mille choses, dans un état de suspension au-dessus des nuées, il finit par s’endormir pour ne se réveiller qu’à l’annonce de l’arrivée imminente à l’aéroport international de Tahiti…



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