10 - Séjour à Huahine – Première semaine
- Jo et Jo

- 17 févr. 2020
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 févr. 2020
L’expérience aidant, et tirant les enseignements de la première, la deuxième traversée de Moorea à Huahine allait être forcément différente.
Cette fois-ci, nous avions déjà nos repères, temporels et géographiques, tout le temps devant nous et des conditions météo favorables…
La distance étant aux limites de la navigation de jour à la voile, nous avons décidé de quitter la baie d’Opunohu au nord de Moorea à 17h00 pour un voyage de nuit.
Le vent d’est est stable et établi à près de 15 nœuds et dès la sortie de la passe, nous coupons les moteurs. C’est avec la grand-voile et le génois entièrement déployés que nous entamons notre croisière, en silence, seuls au milieu de l’océan pacifique. Un peu de musique nous accompagne au début du voyage. Ici, on ne dérange pas les voisins…
La lune, qui commence à peine à décliner de sa phase de pleine lune, nous éclaire suffisamment et nous accompagne en faisant reluire la houle d’une mer assez formée mais très agréable au portant, à tribord amure grand largue. Nous surfons littéralement sur les vagues…
Le ciel est dégagé et les étoiles apparaissent une à une. Elles paraissent plus proches et bien plus nombreuses que dans l’hémisphère nord. Nous n’avons pas encore acheté la carte du ciel d’ici, mais ce qui est certain, c’est que nous n’avons aucune chance d’apercevoir la Grande Ourse…

La traversée se fera sans même virer de bord ou changer le réglage des voiles, en route directe pendant 12 heures jusqu’à l’approche de Huanine, après quelques phases de repos et de surveillance alternés.
Plus beau encore que le coucher, le lever de soleil est magnifique, à partir de 5h15 du matin. Un des plus beaux qu’il nous a été donné de voir, avec la formation de nuages verticaux formant une ile imaginaire et qui servent de révélateurs au rougeoiement de l’aube.
Abandonnant le projet de mouillage initialement prévu à la passe Est de l’ile vers 6h00, après 13 heures de navigation, nous profitons des bonnes conditions de vent et de notre état de fatigue modéré pour poursuivre et contourner l’ile au nord pour arriver au village principal de Fare, à l’ouest.
A peine la passe franchie, vers 8h30, nous sommes accueillis par des grands saluts depuis un catamaran au mouillage, le Thétis de Sylvain et Nathalie, nos voisins de ponton à Papeete que nous pensions à Raiatea pour faire réparer leur bateau.
Une fois notre bateau à l’ancre, sous les commandes du lieutenant Sylvie, nous recevons leur visite en annexe. Ils partent faire des courses au village et repartent pour un mouillage plus au sud. Nous irons les retrouver le lendemain.
Dans l’après-midi, ils nous envoient un sms. Ils ont fait une rencontre avec une commerçante de Fare qui leur a raconté l’histoire de sa famille et en ont oublié quelques détails. Nous avons la commission d’aller chercher ces informations et nous faisons ainsi une nouvelle rencontre exceptionnelle.
Cette dame, Maeva (Bienvenue en tahitien), est la descendante d’une famille royale des Marquises. Sa grand-mère est venue à Huanine il y a 50 ans et elle trône encore en majesté dans un cadre au mur de sa boutique, qui rassemble la production de tous les artisans locaux : perles, paréos, sculptures, peintures sur tee-shirts, objets hétéroclites…
Elle est très fière de sa famille et nous avons eu droit aux photos de ses enfants et petits-enfants et plus encore, à la signification de leurs prénoms, évocateurs de leurs origines et du monde imaginaire qui est le leur. C’est ainsi que son premier fils s’appelle ARIIMOANA (roi de l’océan), le second TEI’KI (prince des Marquises) et sa fille MEHERIO (Sirène). Maeva a trois petits-enfants de sa fille qui se nomment KEISHY (Petite perle), HEREARII (Prince d’amour) et TINIHAARII (Petit prince de la paix).

Venus pour un renseignement, nous passons une demi-heure dans cette boutique sans rien acheter (mais nous reviendrons) à discuter de coutumes et de construction du langage polynésien, déjà en phase d’assimilation au moyen de deux petits fascicules trouvés sur place. Seulement 5 voyelles et 9 consonnes composent un langage simple et essentiellement oral.
C’est ainsi que nous apprenons que HUAHINE veut dire littéralement « sexe de femme » (le « hine » de « Vahine »). Les locaux préfèrent traduire par « femme sexy ». A noter que sa façade ouest, vue depuis Tahaa et Raiatea, montre le profil d’une femme enceinte couchée. Huahine avait un ancien nom (donné par Louis-Antoine de Bougainville en 1768) qui est MATAIREA (Brise joyeuse), qui n’est plus usité aujourd’hui.
Cette ile est, comme Tahiti, composée de deux iles volcaniques, Huahine Nui au nord (la grande) et Huahine ITI au sud (la petite), reliées par un pont. Elle est considérée comme la plus authentique des iles sous le vent. D’une surface de 74 Km2, elle possède 6000 habitants, essentiellement des agriculteurs et des pêcheurs, d’une gentillesse incomparable.
Nous rejoignons Sylvain et Nathalie pour un mouillage à Port Bourayne, au bord d’une baie abritée qui sert de passage entre les deux iles. Le lieu est enchanteur, nous sommes pratiquement seuls au bord d’une plage bordée par les coraux et les cocotiers.
Nos nouveaux voisins viendront nous rendre visite le soir pour un apéritif dinatoire à bord de Jo&Jo, ne repartant que vers 23h30 en annexe après quelques jeux de société.
Le lendemain matin, nous décidons d’aller plonger vers le motu d’en face. Il semble prometteur et il est indiqué comme étant un jardin de corail posé sur le sable blanc, avec de nombreux poissons.
C’est un véritable festival de vie et de couleur, par un lagon calme et un soleil qui illumine les quelques mètres de fonds sous-marins.
Après cette magnifique plongée (voir vidéo ci-dessus), nous avons rendez-vous sur la plage pour partager un repas typiquement polynésien, confectionné avec tout ce que la nature met à notre disposition à deux pas.
Le lieu, sorte de cabane de tôle ondulée et de bâches, est le repère de Siki, un personnage haut en couleurs, au passé très riche et intarissable sur sa vie en métropole et en Polynésie.
C’est ainsi qu’on apprend qu’il a été champion de Va’a (pirogue polynésienne à un balancier) dans sa jeunesse, puis qu’il s’est engagé dans l’armée pour devenir pilote de chasse à Salon de Provence, pilote d’hélicoptère Puma et aussi parachutiste à Pau. Retraité de l’armée depuis 20 ans, il vit, à 61 ans, comme gardien du patrimoine dans ce coin de l’ile, payé par le gouvernement de Polynésie, venant passer ses journées à accueillir des touristes et leur montrer la vie sauvage. Il fabrique des costumes de scène en fleurs et feuillages pour les danses traditionnelles tahitiennes et se dit également un peu guérisseur. On l’a vu marcher sur les braises à pieds nus. Impressionnant, mais on ne l’a pas suivi dans cette pratique…
Il nous a même appris qu’il avait accueilli Barack et Michelle Obama, en visite privée à Huahine, après son mandat de président, entouré de ses gardes du corps et de la sécurité maximale, sur la plage à côté de sa cabane et qu’il lui a vendu un de ses colliers de coquillages qu’il confectionne lui-même.
Certains points de sa vie sont sans doute exagérés, mais il est à lui seul un point d’intérêt de l’ile et « radio ponton » à la marina Papeete nous avait déjà parlé de ce personnage attachant…
Avec ses retraites et pensions cumulées dont il est très fier et se vante régulièrement, il vit très simplement de choses naturelles et à la portée de ses mains. Ici, pas d’eau courante, pas d’électricité, un mobilier rudimentaire et un toit qui fuit. Ce n’est pas sa maison bien sûr, mais c’est là qu’il passe ses journées, de 7 heures à 17 heures. Pas d’internet ou de soutien psychologique dans cette contrée, et pourtant la vie est possible et nous avons rencontré un homme heureux. Nous voici revenus presque aux origines, tel Robinson Crusoé devant vivre en autosuffisance. Et en plus, nous étions Vendredi… mais nos catamarans tout confort n’étaient pas loin, notre immersion dans la vie sauvage restant malgré tout limitée, mais forte en émotions et sensations.
C’est donc ainsi que nous préparerons ensemble le repas du jour.
5 noix de coco décrochées du palmier sont ensuite débarrassées de leur bourre (qui servira à alimenter le feu) sur un énorme pieu de fer, fendues puis râpées pour en extraire la pulpe. Une affaire d’hommes… ! (Il n’y a pas d’âge pour devenir râpeur).
Cette pulpe sera en partie pressée pour en extraire le lait de coco, l’autre partie servant pour élaborer des gâteaux.
Nous préparons le Uru (fruit de l’arbre à pain) en allant chercher des branches pour le feu, les débitant au coupe-coupe afin de constituer un foyer à même le sable.
Dans l’intervalle, les femmes ont confectionné nos plats du jour à base de feuilles de palmier, dans lesquels sera déposée notre nourriture. Une technique éprouvée et efficace, du plus bel effet.
Il faut ensuite chercher des petites feuilles tendres dans lesquelles seront enveloppée les petits gâteaux, composés de pulpe de coco, de farine, de lait de coco et d’un peu de sucre.
L’attente de la cuisson du uru est mise à profit pour s’initier au javelot polynésien (patia fa), qui fait partie des jeux traditionnels et des concours du Heiva annuel en juillet.
Une noix de coco est plantée au sommet d’une pique à 5 mètres de hauteur et, avec une lance rudimentaire, bout de bois prolongée d’une simple pointe en fer, il s’agit, à 15 mètres, de planter le javelot dans la noix de coco. Dans les concours, c’est la lance plantée le plus haut qui gagne. Mais notre objectif était déjà d’atteindre la cible, qui n’est pas passée bien loin…
Le repas, délicieux, fut mangé debout et avec les doigts. Pas de couverts, de chaises, de serviettes. Seule concession à la modernité, une canette de bière locale Hinano que nous avons apportée pour accompagner les mets.
Une partie de l’après-midi fut consacrée à la confection d’un collier en coquillages et en petites graines rouges et noires. Là encore, à part un fil de pêche et une aiguille, seules concessions au modernisme, tout est fait avec ce qui est trouvé sur place. Sylvie et Nathalie ont pu réaliser leur propre collier à même la boutique…
Cette expérience fut si agréable pour tous que Siki nous proposa de revenir le lendemain, goûter une autre variété de uru et cuire un poulet mariné et boucané sur le feu de bois, avec deux foyers à préparer. Proposition acceptée à l’unanimité… Nouvelle journée sur la plage où l’on ne voit pas le temps passer et confection devenue plus facile d’un petit bracelet assorti au collier de la veille.
Ces deux journées ne nous auront coûté que 1000 francs pacifiques au total, soit 8,38 euros, pour payer le poulet aussi bon qu'un poulet de Loué !, le reste étant gratuit, y compris le temps qu'il nous a consacré.

Cette ile possède un charme infini… Nous y resterons jusqu'à fin février.
Demain, petite navigation dans le lagon au sud vers la baie d'Avea, pour un mouillage dans un lieu incontournable pour tout marin de passage à Huahine...
'Araua'e (A bientôt en tahitien)















































































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