51 - Faa'a
- Jo et Jo

- 26 août 2021
- 17 min de lecture

Nous sommes le samedi 8 août 2021.
Après une semaine passée à la marina de Papeete pour quelques travaux d’entretien et pour remplir les cales, nous décidons de changer d’endroit tout en restant dans le lagon de l’île de Tahiti.
La nouvelle capitainerie se dégrade un peu plus chaque jour, sous l’indifférence générale de ceux sensés en assurer le bon fonctionnement.
Nous sommes en saison haute - la plus chère, à plus du double de la saison basse qui va d’octobre à mars - et nous n’avons pas de Wifi de bonne qualité, pas de laverie pourtant annoncée dans les services proposés et une seule douche qui fonctionne de manière aléatoire. Tous les marins s’en plaignent mais cela ne touche pas les « intouchables » de la capitainerie protégés par leur emploi à vie et le népotisme ambiant qui régit les rapports professionnels au fenua.
Deux jours plus tôt, nous avons eu la visite surprise de Clémence, une jeune Popa’a qui vit à Papeete et qui fut la première personne rencontrée en présence des anciens propriétaires de Jo&Jo, Alain et Myriam. Elle nous avait donné un coup de main pour installer le nouveau trampoline sur le bateau.

Avec son compagnon Florian, ils vivaient sur un petit bateau et avaient partagé un mouillage dans les Tuamotu, à Pakokota dans l’île de Fakarava.
Clémence avait alors réalisé ce petit dessin de notre bateau qui s’appelait encore Alaïa - joie et bonheur en basque - en 2018.

La veille de notre départ, nous recevons Marie-Laure et Joan pour un apéritif dinatoire. Nous les avions rencontrés quant à eux à plusieurs reprises pendant notre périple dans l’archipel des Marquises et, forts de ces souvenirs communs, nous les avions retrouvés avec plaisir à Papeete avant notre séjour en France.
Joan est skipper pour une compagnie de charter et revenait de 5 jours à Bora Bora avec des clients qu’il a laissés sur place.

Marie-Laure est infirmière-urgentiste au grand hôpital de Papeete. Bien que non dédiée à la prise en charge des patients du variant du Covid, elle nous confirme que la pression se fait sentir et qu’une vague importante est devant nous, ce qui sera confirmé quelques jours plus tard.
En ce 8 août donc, nous mettons le cap à une demi-heure de navigation pas très loin de l’aéroport de Faa’a, quittant la ville de Papeete pour un mouillage plus agréable dans le bleu turquoise du lagon où nous pouvons enfin profiter de l’eau cristalline sur sable blanc au pied du bateau.
Dans moins d’un mètre d’eau en dessous de la dérive, il est indéniable que nous avons une superbe piscine autour de la maison, sans l’entretien et toujours à la bonne température jour et nuit.
Le lieu est fréquenté par les citadins qui viennent le week-end profiter du peu de profondeur, du sable blanc et des patates de corail où vivent des milliers de poissons.
C’est ainsi qu’on voit fleurir de drôles de champignons orange surmontés d’un chapeau chinois de toile venant s’amarrer dès le matin sur des bouées ancrées à un mètre cinquante de profondeur. Sortie familiale de pique-nique originale et dépaysement assuré, loin des plages en bord de lagon.

Il y a aussi quelques voiliers qui, comme nous, ont élu domicile pour la journée, la semaine ou plus.
Il suffit de porter le regard par-dessus le bastingage pour voir passer des poissons qui cherchent leur nourriture en soufflant dans le sable ou qui viennent se mettre à l’ombre sous Jo&Jo.
Nous retrouvons les poissons-coffres gris tachetés de blanc qui colonisent ces bancs de sable et que nous appelons des « jojos ». Ils sont attirés par le bruit de la chaine quand on jette l’ancre, cette dernière faisant à leur place le travail de remuage du sable pour en extraire les quelques nutriments convoités.
C’est devenu notre comité d’accueil personnalisé, d’où le surnom de « jojo ».
Mais deux autres créatures occupent cet endroit et viennent nous rendre visite chaque jour. Nous leur avons également donné un prénom. Il y a Raie-gine, la raie pastenague et Raie-becca, la raie léopard.
Notre préférence va pour Raie-becca, plus rare et plus typée avec ses taches bleues et son « vol » gracieux autour du catamaran.
Dès que le vent apparait dans le lagon, les sportifs en planche à voile ou en kite-surf s’en donnent à cœur joie et viennent dispenser leurs acrobaties autour de Jo&jo, nous saluant au passage.
C’est un véritable festival de voiles tournoyant par un vent de près de 20 nœuds auquel nous assistons, bien calés sur nos coussins en sirotant un sirop de mojito.

Ce vent providentiel pour les amateurs de glisse est annonciateur d’une forte dégradation du temps sur la Polynésie tout entière, à l’exception de l’archipel des Marquises.
Les services de la météo ont diffusé un BMS - Bulletin Marine Spécial - réservé aux conditions climatiques de « grand frais » et plus, soit des vents de force 7 sur l’échelle de Beaufort, à plus de 50 km/heure.
L’archipel des Australes avec Rapa au sud est le plus touché, avec une forte houle de Sud-Ouest s’amortissant de 6 mètres à 5 mètres le vendredi 13 août.
Le vent s’est renforcé notablement pour atteindre ou dépasser les 110 km/h en rafales en fin d'après-midi et en première partie de nuit.

Mais ce qui nous intéresse aux Iles sous le Vent, c’est la forte houle énergétique qui se propage sur une grande partie de la Polynésie pour atteindre les 4 mètres vendredi à la mi-journée, pouvant donner, ponctuellement, des vagues d'une hauteur de 6 à 7 mètres près des côtes.
Il faut remonter à 2015 pour observer une telle houle qui a engendré de nombreux dégâts aux Tuamotu.
Un des effets de cette forte houle est une élévation importante du niveau de la mer dans les lagons exposés et de forts courants aux abords des passes. D’où l’intérêt de vivre sur un bateau qui ne risque aucune inondation à la condition d’être amarré en toute sécurité dans un lagon abrité avec 15 mètres de chaînes dans 2 mètres d’eau (ou moins d’un mètre sous la dérive du bateau).
L’annonce de cette forte houle avait forcément attiré la fine fleur des surfeurs dans l’île sud de Tahiti. En effet, une houle puissante et gigantesque a déferlé sur Teahupo'o ce vendredi 13 août.
Un jeune tahitien de 19 ans Kauli Vaast, a été le héros de la journée qui restera gravée dans sa mémoire, comme dans l'histoire du surf polynésien.
Après avoir attendu LA vague pendant trois longues heures (mais bien plus performant que Brice de Nice, qui prétend être surfeur à ses heures, ascendant snowboarder), ce jeune athlète - qui rêve de remporter l'épreuve olympique de Paris 2024 sur ce même spot de Teahupo’o - a pris la vague la plus grosse jamais surfée sur ce spot légendaire.
Elle a été estimée à 10 mètres de hauteur et il s'est engouffré dans un immense tube de mer déchainée, dans lequel il a fini par chuter, provoquant l'admiration de tous les spectateurs, autant que l'effroi.
Le jeune prodige, trahi par une mauvaise trajectoire, a perdu l’équilibre et il est resté sous l’eau pendant une durée interminable, ne réapparaissant que tardivement dans le lagon bouillonnant en faisant monter l'angoisse chez les spectateurs présents.

Sa description de l’exploit :
« Quand la vague arrive, ça enlève toute l'eau du récif. Arrivé en bas, j'ai essayé de garder ma ligne sauf que l'eau n'arrêtait pas de s'enlever. A un moment donné j'ai perdu de la vitesse. Je pensais que c'était fini ».
C’est ce qu’on appelle « être au creux de la vague »…
Il a conclu cet exploit par un laconique : « Quelle vague, la plus grosse de ma vie jusqu'à présent ! »
Notre séjour dans le lagon est aussi l’occasion de nettoyer et consolider le bateau de fond en comble, dans ses parties émergées et immergées.
Nous en profitons pour changer la chaîne principale, la précédente ayant été changée en 2017.
Quatre ans de bons et loyaux services ont fini par éroder la couche de zinc qui galvanisait les maillons, rouiller l’ensemble et réduire la section de 10 mm à 7 mm à l’endroit mesuré le plus faible.
C’est une pièce de sécurité indispensable qu’il ne faut pas hésiter à changer. Elle est le seul rempart face au vent et à la houle quand les éléments se déchainent.
Notre bateau qui pèse ses 9 tonnes n’est alors amarré que par cette combinaison ancre plus chaine, faute de quoi il dérive et risque de s’échouer.
Après un arrêt au ponton technique de Taïna pour un échange standard salutaire, nous repartons deux heures plus tard à notre point de mouillage sur le sable blanc.
Avec une chaîne neuve et un guindeau neuf, les manœuvres deviennent plus propres, plus sûres et plus rapides, à la grande satisfaction de Sylvie.
Mais là où un problème disparait, un autre apparaît sans crier gare…
Des amis voileux nous disaient qu’il fallait consacrer environ 2 heures par jour en moyenne à l’entretien du bateau, que ce soit au niveau du nettoyage ou des opérations préventives ou correctives… Cela nous paraissait beaucoup, mais c’est finalement assez proche de la vérité, dès que l’on a un bateau de plus de 10 ans.
C’est ainsi que nous avons eu la mauvaise surprise de constater que la pompe à main des toilettes à tribord forçait et ne pouvait plus être actionnée. Ce qui n’était a priori qu’un problème de mécanique - l’intérêt d’un wc manuel réside dans le fait qu’il est plus simple et plus facile à réparer - s’est vite transformé en galère de tuyau bouché.
Cela n’a rien à voir avec « un coup de Calgon » mais cela en à tous les symptômes, avec une section de tuyau réduite à un petit trou, voire complètement obstruée au début du circuit.
La pompe fonctionne à l’eau de mer et propulse les matières dans une cuve à eaux noires, la fosse septique présente à babord et à tribord permettant de ne pas rejeter nos déchets dans le beau lagon.
Il faut enlever 5 mètres de tuyaux qui passent sous le plancher en plastique moulé, donc très peu accessible, puis par l’espace exigu sous le lavabo et enfin derrière la cloison de la douche.
Deux bonnes heures plus tard, les boas d’évacuation sont enfin extraits. Le mélange eau salée-calcaire-matières a constitué avec le temps un substrat extrêmement dur impossible à dissoudre avec de l’acide chloridrique, de la soude ou du vinaigre chaud.
Un archéologue ou un géologue pourrait assurément retracer à l’analyse de ces concrétions toute la vie intestine du catamaran.

Comme aurait pu dire juste le truculent Jean-Pierre Coffe : « c’est de la m… ! ».
Et voilà comment le capitaine a été élevé en quelques heures seulement à la fonction enviable de « chef de cabinet »…
Le tout est remplacé plus facilement qu’il n’a été ôté et c’est reparti pour 10 autres années de « bons et tuyaux services »…
C’est aussi le temps de la lecture, de l’écriture, du visionnage de films et de quelques travaux de matelotage.
Ayant acheté quelques dizaines de mètres d’aussières - cordages très résistants de forte section - pour remplacer les amarres usées, nous ouvrons un atelier de matelotage sur le carré arrière.
Le matelotage est l'étude des différentes techniques du travail du matelot et du gabier sur le pont : l’apprentissage des différents noeuds, l’ amarrage, la mise en place des défenses, la préparation et l’emploi des cordages au moyen d'épissures et de surliures.
Ces techniques ont évolué dans la marine moderne et concernent aussi bien les cordages en chanvre, en nylon ou en acier, mais elles restent indispensables au bon usage des cordages pour l’amarrage au quai, sur un corps-mort ou pour le maniement des voiles.

A noter qu’il n’existe pas de corde sur un bateau, à deux exceptions près.
Depuis plusieurs siècles, la tradition veut que, sur un navire, il n'y ait qu'une seule « corde », celle de la cloche de quart, pour avertir les personnes concernées par la relève...
Le lexique maritime, adapté à une tâche précise, comme il le fait pour les voiles ou les mâts, distingue chaque cordage en fonction de son utilisation : grelin, amarre, attache, filin, garcette, drisse, écoute, hauban...
Mais le mot générique le plus fréquemment utilisé est celui de "bout", avec la prononciation du "t" final.
L’autre usage du mot « corde » dans la marine - complètement passé de mode celui-là - est celui utilisé pour pendre les mutins.
De même, le mot « ficelle » n’existe pas, la seule que l’on peut trouver à bord étant celle du saucisson…
Les outils de couture font partie du lot de bord de Jo&Jo.
Un peu de bon sens, de pratique et de doigté permettent de réaliser une épissure solide à l’aide d’un épissoir conçu pour faire passer chaque toron du cordage sous un autre toron correspondant, l’opération se répétant autant de fois que nécessaire pour obtenir la longueur demandée.

Un second outil ingénieux est appelé speedy-stitcher - ou machine à coudre manuelle ou alène manuelle - qui permet de recoudre des voiles, des objets en cuir en passant un fil ciré et très résistant de part et d’autre de la toile à rapiécer à la manière d’une aiguille de machine à coudre.
C’est un long travail mais efficace et très solide, en attendant une réparation plus sérieuse dans une voilerie spécialisée.
Parfois, pour forcer l’aiguille dans la matière assez résistante, il nécessaire de mettre une paumelle en cuir avec un appui métallique qui a le même usage que le dé à coudre, en plus puissant puisque c’est la paume de la main qui appuie sur l’aiguille.
Enfin, pour réaliser des surliures afin de ligaturer l’extrémités des cordages au moyen d’un petit fil, des aiguilles à grand chas complètent l’atelier du matelot.
Ces surliures complètent le brûlage des cordages en leur extrémité, qui sont le plus souvent en matière synthétique actuellement.
Cela n’a pas toujours été le cas et les beaux jours de la marine à voile embarquaient leurs lots de cordages en chanvre.
Les vaisseaux d’autrefois, qu’on appelle aujourd’hui vieux gréements, avaient un cordage pour chaque fonction et pour chaque voile. Il y en avait partout sur le pont et bien sûr dans les cales.
C’est le cas du Belem, par exemple, un 3 mâts barque de 1896, qui n’a pas moins de 22 voiles et 10 kilomètres de cordages.
Pour y avoir fait un stage de navigation de 4 jours de Sète à Toulon en 2008, cadeau de mes 50 ans, je peux en parler « avec un brin de nostalgie » - clin d’œil à Bernard qui se reconnaitra - et un peu d’expérience.

Classé au titre des monuments historiques depuis 1984, le Belem est le dernier trois-mâts barque français à coque d’acier.
Il porte cette dénomination du fait qu’il possède deux mâts - le grand mât et le mât de misaine - gréés entièrement en voiles carrées et le troisième mât - le mat d’artimon à l’arrière gréé en voile auriques. Les voiles carrées sont optimales par vent arrière tandis que les voiles auriques le sont par vent latéral.

Ce bateau, bien que mesurant 60 mètres de long et pesant 750 tonnes, restait un navire de petit tonnage par rapport aux voiliers cap-horniers de l’époque. Il faisait la navette entre le Brésil - et notamment la ville de Belem au sud de l’embouchure de l’Amazonie - et l’Europe pour le commerce du cacao.
Il pouvait déployer jusqu’à 22 voiles de 1200 m2 et avancer à la vitesse de 12 nœuds, ce qui n’est pas très loin de la performance de Jo&Jo dans de très bonnes conditions de vent au portant.
Outre le nom des mâts, somme toute assez facile à retenir, on doit se familiariser avec les noms des voiles dont certaines portent des noms d’oiseaux exotiques, comme le perroquet, la perruche ou la cacatois (ou cacatoès).

Cela se complique encore quand on parle de cordages, car il en faut beaucoup et chacun a une fonction précise et une voile dédiée.
Ne serait-ce que pour replier une voile carrée, on utilise des cargues, cordages actionnés depuis le pont, pouvant se monter à plus de 8 sur la longueur de la vergue (le mat horizontal sur lequel est attachée la voile), le travail étant parachevé en nouant la voile autour du mat.
Dans le sens contraire, les gabiers - matelots de pont - grimpent dans la mâture pour dénouer les rabans et larguer les voiles.
Ces cordages multiples étaient lovés et stockés sur les bastingages de babord et de tribord et formaient un orgue de chanvre à l’alignement impressionnant. Un véritable orchestre à cordes…

S’il n’est pas de bon ton d’employer le mot « corde » ou « ficelle » sur un bateau, c’est que le monde des marins est depuis toujours le siège de nombreuses superstitions, dont certaines perdurent encore de nos jours.
Pour oser s’aventurer sur un élément aussi imprévisible que l’océan, le marin s’est toujours entouré de nombreuses protections faisant la part belle à la superstition.
Certaines de ces croyances trouvent leurs racines dans des faits bien réels.
La superstition la plus connue vient sans doute de cet animal aux grandes oreilles dont la détestation trouve son origine dans la marine à voile et au long cours.
Longtemps embarqué comme vivre, tout comme les volailles ou les porcs pour les longues traversées, cet animal dont on ne doit même pas citer le nom car il porte malheur - un genre de Voldemort avant l’heure - rongeait l’osier de sa cage, avant de s’attaquer au chanvre des cordages qui arrimaient les mâts et retenaient les cargaisons.
L’étoupe, essentielle car elle empêchait les infiltrations d’eau, était également à son goût.
Ce rongeur aurait ainsi causé de nombreux naufrages.
Aujourd’hui encore, malgré l’évolution des mentalités et des outils de navigation, les marins évitent de prononcer son nom.
Notons également que du point de vue religieux, la mer a longtemps été associée au diable, car il s’agissait d’un territoire méconnu, incontrôlé et incontrôlable qui ne répondait à aucune règle humaine et sur lequel aucun homme n’a jamais eu de prise.

Au rang des croyances et de la superstition chez les marins, il va de soi qu’un bateau ne quittera jamais le port un vendredi.
Ce serait signe de mauvais présage, d'origine religieux, de nombreuses calamités s’étant produites un vendredi, la principale étant la mort du Christ.
Plus concrètement, le jour de paie des matelots était traditionnellement le jeudi et les équipages embarquant le vendredi étaient souvent quelque peu "vaseux", d'où plus d'accidents lors de l’appareillage.
De même, jusqu’au XVIIIème siècle, la femme représentait un des dangers majeurs pour les équipages.
Confinés dans un espace restreint et rongés par la frustration pendant plusieurs semaines, les marins s’avéraient souvent incapables de gérer une présence féminine.
Jugée responsable de tous les maux à bord, elle était d’ailleurs souvent malmenée et déconsidérée.
Pour éviter ces situations, une évidence s’est peu à peu imposée : la femme porterait malheur, mieux valait donc éviter d’en embarquer une à bord.

Un proverbe dit : « Un navire qui n’a pas goûté au vin goûtera au sang » et explique qu’un bateau soit baptisé à l’alcool avant de prendre la mer.
Aux origines, le sang d’une victime était étalé sur la proue du navire, en offrande aux Dieux pour qu’ils accordent leur protection et veillent à ce que la navigation se déroule sans encombre.
Le rituel du sacrifice a été délaissé au profit de la bouteille de vin brisée contre la coque par une marraine du bateau, avant que les mœurs ne favorisent le champagne, symbole de fête et de chance dans les sociétés occidentales.

Le baptême de Jo&Jo en décembre 2019 a suivi ce cérémonial dans une version « versement du champagne sur une branche de palmier à la proue du catamaran ».
Cette cérémonie, au discours déclamé par notre ami Jean-Louis, a été copieusement bénie de bulles par Christiane, la marraine de Jo&Jo, en compagnie de nos amis Sylvain et Nathalie du catamaran Tethis, nos voisins de ponton.

Ces superstitions peuvent sembler farfelues mais il y a toujours un exemple pour renforcer ces croyances d’un autre âge.
Ainsi, la White Star Line, compagnie propriétaire du Titanic n'inaugurait jamais ses bateaux.
On raconte aussi que la bouteille de champagne ne s’était pas cassée sur la coque du Concordia le jour de son baptême... CQFD !

Il y a heureusement des superstitions positives, comme le fait de toucher le pompon du marin.
Elle provient du fait que la vie de marin était tellement aléatoire aux siècles passés que ceux qui revenaient sains et saufs étaient soupçonnés de ne plus faire partie du monde des vivants.
Pour s’assurer qu’il n’était pas un fantôme, il fallait le pincer.
Ce geste s’est ensuite transformé en touchant le pompon rouge du bachi du matelot, ce qui portait chance à la jeune fille qui recevait une bise en retour.
Le tatouage représentait aussi une protection puissante. Sur les bras, cela indiquait la force, sur le cœur la protection. Certains marins allaient même jusqu’à se faire tatouer un crucifix dans le dos pour décourager le bourreau de les fouetter trop fort lors de châtiments corporels.
Mais rassurez-vous, sur Jo&Jo, nous ne sommes pas superstitieux, en plus il parait que ça porte malheur…
Notre mouillage dans le lagon face à l’aéroport de Faa’a n’est finalement pas très bruyant, en tout cas pas plus qu’à la marina de Papeete qui se trouve sur l’axe de la piste lors du décollage.
Outre la transparence du lagon dans le lequel on se baigne plusieurs fois par jour dans une eau à la même température que l’air, nous sommes assez proches en annexe de toutes les commodités de la marina de Taïna, le lieu emblématique de rassemblement de voiliers avec 550 places au port et 130 sur les corps-morts.
Notre propre mouillage « forain » à l’ancre est partagé par une vingtaine de voiliers.


C’est ainsi que le plus grand hypermarché Carrefour de Polynésie est à 15 minutes d’annexe jusqu’au débarcadère et 10 minutes à pied. Sans compter sur quelques shipchandlers - revendeurs de pièces, d’accastillage et de cordage - qui permettent de s’approvisionner des inévitables petites pièces détachées dont on a besoin.
Autre avantage et non des moindres, la proximité de l’aéroport nous offre une couverture Wifi de bonne qualité bien qu’intermittente, ce qui nous permet de tenter quelques communications assez fluides et de suivre des émissions de télévision depuis le bord.
Cela nous permet de suivre l’évolution de la pandémie et la montée en puissance des cas de contamination, des hospitalisations, des décès et des mesures que doivent prendre pratiquement au jour le jour le gouvernement polynésien.

Du pôle initial déclaré en Martinique et en Guadeloupe, l’attention se porte assez vite sur la Polynésie française, avec un taux d’incidence record jamais atteint ailleurs. Et là encore, comme aux Antilles dévastées, les patients hospitalisés sont pratiquement exclusivement des réfractaires ou des passifs indolents face à la nécessité de la vaccination.
Non contents de saturer les hôpitaux (98 % des hospitalisés à l’archipel de la Société sont non-vaccinés alors qu'aux Marquises, 90 % sont vaccinés et il n'y a aucun hospitalisé), ces récalcitrants viennent pénaliser les gens vertueux qui ont fait leur parcours de vaccination et qui sont donc confinés comme tout le monde.
Sauf qu’ici, ce n’est pas une minorité d’activistes manipulés comme en métropole mais une attitude de nonchalance et de méfiance atavique, alors même que la population est frappée par le diabète et l’obésité. Le cocktail est assurément mortifère.
Voici donc cette fameuse « égalité » prônée par les boutefeux et les râleurs de tous poils : le nivellement par le bas… et un pseudo-patriotisme des plus commodes et des moins crédibles.
Comment ne pas penser à Georges Brassens qui brocarda gentiment son meilleur ami d’enfance, Emile Miramont alias Corne d’Aurochs, dans l'une de ses premières chansons qu'il enregistra :
« C'est même en revenant de chez cet antipathique, Qu'il tomba victime d'une indigestion critique Et refusa le secours de la thérapeutique, Corne d'Aurochs. Parce que c'était un Allemand, ô gué ! ô gué ! Qu'on devait le médicament, ô gué ! ô gué ! »

Le poète faisait allusion à la célèbre aspirine - et accessoirement l’héroïne - inventée par le chercheur allemand Felix Hoffmann en 1897 et qui est aujourd’hui le médicament le plus vendu au monde.
Toute ressemblance avec un certain vaccin Pfizer « qui n’est pas de chez nous et on attend le nôtre bien français » serait bien sûr totalement fortuit…
Sauf qu’ici, ce n’est pas une minorité d’activistes manipulés comme en métropole mais une attitude de nonchalance et de méfiance atavique, alors même que la population est très fortement frappée par le diabète, l’obésité et les problèmes cardiaques. Le cocktail est assurément mortifère.
S’ils assument - mais pas toujours - le risque d’être malades voire de décéder des conséquences de leur choix ou de leur non-choix - il font hélas peser une lourde charge de travail aux professionnels de santé qui aurait pu être évitée ou soulagée avec un peu d’intelligence et de sens civique….
Après l’annonce en début de semaine d’un couvre-feu permanent de 21h00 à 4h00 et d’un confinement uniquement le week-end, le pays a décidé de durcir le dispositif à partir du 23 août pendant 15 jours en instaurant un confinement complet, sauf motifs impérieux, devant le taux d’incidence qui a dépassé les 2800 pour 100.000 habitants et devant la saturation des moyens sanitaires.
La réserve sanitaire nationale est demandée en renfort de métropole, ainsi que l’apport d’infirmiers venant de Nouvelle Calédonie.
La priorité est donnée - enfin - à la vaccination au détriment des tests PCR pour affecter tous les effectifs humains disponibles sur ce grand défi de rattraper le retard pris avec moins de 30 % de polynésiens ayant effectué leur parcours vaccinal complet.
Tous les personnels ayant une valeur ajoutée dans la chaine sanitaire sont réquisitionnés et les bénévoles sont les bienvenus.
Devant l’ampleur de la catastrophe, la population réagit et comprend enfin.
Des « vaccinodromes » permanents sont installés et les gens s’y ruent malgré le confinement pour sauver ce qui peut l’être.
L’heure n’est plus aux doutes ou aux postures idéologiques. Elle est au deuil et aux moyens exceptionnels dignes d’hôpitaux militaires de campagne.
Le hall principal de l’hôpital de Papeete, appelé « la nef » est reconverti en chambre géante à grand renfort de lits et de matelas. Dans les îles comme à Moorea et à Raiatea, des lits sont installés hors des murs, sous des barnums.

Il y a aussi heureusement de bonnes nouvelles.

Le 19 août est le jour d’anniversaire d’Emperatriz, la maman de Cristina, qui est arrivée deux jours plus tôt à Barcelone depuis Lima.
L’Amérique latine est également durement touchée par la pandémie et les fermetures de frontières, tant en Espagne qu’au Pérou, ne lui ont pas permis de venir plus tôt voir sa petite-fille Emilia.
On imagine la joie de cette « mamy pour la première fois » de faire connaissance de sa petite-fille qui vient de fêter ses 7 mois.
Elle restera 3 mois en Espagne.
On ne peut rêver mieux comme nounou dans cette phase d’éveil qui demande beaucoup d’attentions alors même que les parents doivent assumer le télétravail depuis l’appartement.

De notre côté, nous célébrons à distance son anniversaire, le « feliz cumpleaños » en confectionnant un « Pisco Sour », la boisson nationale du Pérou, à base d’alcool de raisin Pisco, de citron vert, de sucre et blanc d’œuf battu.
C’est délicieux et c’est devenu la boisson de bienvenue et la boisson nationale au Pérou. Le Pisco aurait été inventé par des immigrants italiens qui auraient voulu reproduire en Amérique du Sud la Grappa italienne.
Salud à la toute la famille péruvienne, frère, soeur et papa de Cristina : Arturo, Carla y Victor... et bien sûr aux 4 barcelonais qui n'ont pas manqué de lever leur verre de leur côté.















Bonjour Jacky et Sylvie! J'espere que vous êtes bien à la Polinese. J'essaie d'ecrire sans traducteur. J'ai aimé becaucoup les photos. vous avez déjà comment faire du pisco sour comment les péruviens :) Bravo!!