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35 - Rangiroa - Fakarava - Makemo

  • Photo du rédacteur: Jo et Jo
    Jo et Jo
  • 6 janv. 2021
  • 20 min de lecture

Retour à Rangiroa où nous avions passé près d’un mois en juillet dernier.


La météo est capricieuse et donne des informations différentes chaque jour pour le lendemain. La configuration n’est pas idéale : vent relativement faible virant du secteur est au secteur nord / nord-est, avec un vent de face par rapport à notre route.


Difficile de mettre les voiles dans ce contexte et l’essentiel du parcours se fera donc au moteur, car même tirer des bords ne peut s’envisager sans doubler la durée du voyage.


Il faut bien arriver à temps pour passer Noël à Rangiroa !

Plus de 230 miles nautiques en 43 heures (pratiquement deux jours et deux nuits) soit plus de 5,3 nœuds en moyenne (environ 10 km/heure).


Beaucoup de pluie sur le secteur archipel de la Société et archipel des Tuamotu, avec de nombreux grains dont un à plus de 35 nœuds en pleine nuit pendant une demi-heure.


Impressionnant pour notre nouvelle équipière. Il suffit de se tenir bien à l’abri dans le carré et attendre que cela se passe.


Le soleil refait son apparition aux abords de Rangiroa. Il fait beau et chaud et nous abordons un monde civilisé et connu.


Nos amis Els et Jean-Christophe du voilier Aquarius, avec qui nous avions partagé le confinement à Huahine au printemps sont au mouillage à l’entrée de la passe d’Avatoru.


Nous passons les saluer avant de poursuivre vers la passe de Tiputa, à une heure de navigation dans le lagon.


Mouillage idéal dans l’eau bleu turquoise à 5 mètres de profondeur dans un lieu réputé pour sa protection aux vents de nord et d’est qui abrite déjà une douzaine de bateaux (un parfait abri côtier en quelque sorte).

Plongée immédiate dès le bateau ancré pour se ressourcer après ces deux jours de navigation, devant les bungalows sur pilotis de l’hôtel Kia Ora.

Jo&Jo concurrence les goélettes qui apportent dans les îles une fois par semaine les produits et les denrées commandés à Papeete.


Nous apportons aux Relais de Joséphine 14 oreillers et 14 taies de couleur pour les 7 bungalows de l’établissement où nous passerons la veillée de Noël.


Accueil chaleureux de la part de Corinne et Jean-Robert qui apprécient le geste et nous offrent un cocktail (Ti’punch au rhum Mana’O pour le capitaine) sur le deck devant la passe où viennent sauter les dauphins.


A la table voisine, nous reconnaissons Pamela Carzon, qui nous reconnait aussi et qui nous avait gratifiée d’un exposé passionnant sur l’origine, la vie et le comportement des grands dauphins.


Pamela est une experte reconnue mondialement, et a fait l’objet de nombreux reportages. Elle est la présidente de l’association « Les dauphins de Rangiroa ». Elle nous donne rendez-vous le jour de Noël pour assister à un entretien avec une jeune biologiste qui veut faire partie de son association.


Jessica est également reconnue par un jeune homme avec qui elle avait pratiqué des cours de salsa-bachata à Papeete avant le confinement.


Comment ne pas se sentir chez nous quand, à peine arrivés, on retrouve autant de monde ?

Le lendemain est le 24 décembre.


Nous allons à terre pour une balade en vélo - 20 kilomètres aller-retour sur des vélos de type hollandais sans frein à rétropédalage et sous le soleil - jusqu’au village principal d’Avatoru, supposé être la capitale de Rangiroa et, par là-même celle de l’archipel des Tuamotu.

En fait, il n’y a rien que 2 petites églises et 3 supérettes-bazar ravitaillées une fois par semaine par la goélette, une mairie, un collège, une pharmacie, une banque ainsi que l’aéroport. Il faut apprendre à vivre avec peu.

Nous voici sur la route principale de la capitale, avec un trafic des plus réduits sur cet axe majeur (et encore, c’est le jour de ravitaillement de la goélette venant de Tahiti)…


L’intérêt de ce lieu réside en fait en la présence du seul vignoble de Polynésie qui, outre les vins de corail (blancs secs, moelleux et rosé) s’est lancé récemment dans la production du rhum Mana’O de Rangiroa.


C’est une production confidentielle, non exportée ni disponible dans la grande distribution, pratiquement vendue sur place.


Mana’o Rangiroa est un rhum de pur jus de canne (attention à la contrepétrie) issu de deux variétés de canne à sucre - la canne Hawaï et la canne Roseau - spécialement sélectionnées pour être cultivées sur l’atoll au sol coralien.


Compte-tenu de sa très grande rareté, la vente est en principe limitée à un exemplaire par commande et par client.


Le millésime 2019 vient d’être commercialisé depuis un mois. Le précédent était en rupture de stock. Nous connaissons heureusement le gérant et œnologue Sébastien Thépénier (avec la raie au milieu) qui nous ouvre exceptionnellement les portes en milieu de journée et nous profitons de l’aubaine pour capter à notre profit quelques flacons du rarissime nectar (un homme averti en valant deux, mais le prix par rapport à son cousin de Tahaa est également de facteur 2).


Ce rhum est exceptionnel... A déguster en connaisseurs et avec modération… mais laissons le professionnel le décrire avec ses mots empreints de poésie :


« Le nez est superbe dès les premiers instants. Il réussit à allier puissance, douceur, fraîcheur, parfum, naturel, intensité. Le rhum saute au nez avec une concentration aromatique remarquable. On y trouve une canne gourmande, des parterres de fleurs fraîches, des agrumes explosant de sucre, ainsi qu’une petite réglisse bien spécifique aux rhums tahitiens. La canne s’élève peu à peu au-dessus du lot ; elle est tendre, vive et rayonnante.


En bouche, l’attaque est un peu épicée et surtout poivrée. La canne est toujours aussi massive, elle déferle ensuite en gros rouleaux sur le palais, avec une rondeur tout à fait chaleureuse. En milieu de bouche, on touche au cœur de la fermentation du rhum, avec une petite acidité mêlée d’amertume de zeste de citron vert et de poivre, vert lui aussi. On peut garder le rhum longtemps en bouche, il ne fait que développer ses arômes sans brûler les papilles.


La finale est parfumée d’agrumes, on y retrouve donc une certaine fraîcheur et une impression de pureté. »


En fin d’après-midi, nous nous apprêtons pour la soirée de Noël, à la mode tahitienne.

Un cliché à l’avant de Jo&Jo et nous filons en annexe jusqu’au voilier Aquarius pour prévenir nos amis qu’on les attend sur la rue du quai (pour les connaisseurs de contrepétries)…

Els et Jean-Christophe sont accompagnés de leur fils Nathan et leur belle-fille Jade, venus passer plus d’un mois en Polynésie et profitant du lieu pour s’adonner au plaisir de la pêche et s’initier à la plongée avec bouteilles.


L’air est doux et il y a une ambiance de fête jusqu’aux Relais de Joséphine où nous passerons la soirée et les gens nous saluent joyeusement au bord de la route.


Nous prenons une photo-souvenir sur le deck du restaurant face à la passe de Tiputa..


L’apéritif est servi pour un « manuia » collectif tandis que nos hôtes Corinne et Jean-Robert s’affairent au service mais prennent tout de même le temps de poser avec leur couronne de fleurs naturelles.

Un petit groupe local de musiciens et de danseuses apporte une touche tahitienne supplémentaire pour le début de la soirée et viennent faire danser une femme de chaque table.


C’est Jessica qui est choisie pour la nôtre (mais qui leur avait dit qu’elle s’était mise depuis 3 mois à la danse tahitienne ?).


Elle se débrouille bien mieux que Fifi Brindacier, une finlandaise d’un bateau voisin qui arborait pourtant une coiffure « a des couettes »…

Figurez-vous que Papa Noël est passé sur Jo&Jo !


Pourtant nous n’avons pas de cheminée et on n’avait même pas laissé nos tongs sur le carré arrière… On ne cherchera pas à percer la magie de Noël ni comment ce vénérable vieillard à bien pu nous trouver aux antipodes et se déplacer avec ses rennes et son traineau.


On est prêt à croire à tous les miracles de la création quand un petit paquet se retrouve déposé dans notre assiette à l’heure de l’apéritif, mais nos bonnets rouges n’étaient sans doute pas pour rien dans cette distribution de présents.

Un petit bracelet de cheville pour Jess réalisé par une artiste locale, un débardeur Hinano pour le lieutenant Sylvie et le livre sur la vie de Jacques Brel « le voyage au bout de la vie » pour le capitaine Jacky avec notamment les trois dernières années du Grand Jacques aux Marquises, à Hiva Oa, que nous découvrirons prochainement.


Nous retrouvons Pamela à son poste d’observation des dauphins, sur le ponton des Relais Joséphine, gros téléobjectif à portée de main.

Nous passons plus d’une heure avec elle à partager son savoir et sa passion des mammifères marins. Elle prépare actuellement une thèse sur le comportement des dauphins et leurs interactions avec l’homme en milieu naturel.


Elle connait chacun des grands dauphins de la communauté de Tiputa et elle accumule énormément de données, qu’elle recueille elle-même lors de ses plongées ou qu’elle reçoit de la part des plongeurs.


Une affiche est présente dans chaque club et offre un trombinoscope des dauphins résidents de la passe de Tiputa, avec les caractéristiques de leur nageoire caudale.


Sa passion est dévorante et elle a tout sacrifié pour elle. Elle vit au bord du lagon, au plus près de ses amis aquatiques. Elle préside l’association qu’elle a créée et qui accueille des éco-volontaires pour la seconder mais elle reste finalement assez seule pour gérer le quotidien, l’administratif, la communication en plus de sa thèse qui sera publiée après validation dans les plus grandes signatures mondiales de presse spécialisée.


D’autant que le thème des dauphins, d’apparence consensuel, est en réalité un sujet complexe à forts enjeux écologiques, politiques et économiques et que l’équilibre est fragile entre la notoriété de ce spot unique au monde et son indispensable préservation.

La lecture du livre sur la fin de vie de Jacques Brel - cadeau de Noël pour préparer les Marquises - nous immerge dès Rangiroa sur les traces du chanteur et fait un lien étonnant avec notre blog "Jo&Jo" grâce à la photo de couverture devant l’avion baptisé « Jojo » en hommage à Georges Pasquier, son meilleur ami.


Mais surtout une anecdote en page 41 se déroulant à 150 mètres du mouillage de notre bateau et transcrite ci-après, alors que Jacques Brel, titulaire d’un brevet de pilote en métropole, reprenait des cours de pilotage sur Moorea et les Tuamotu avec un pilote d’Air Tahiti pour pouvoir ensuite voler seul sur son propre bimoteur :


Un jour de 1976, Jacques se posera à Rangiroa. L’image du paradis, telle qu’on se la représente dans l’hémisphère nord.

Nature exubérante, sables blancs ou roses, mini-lagon bleu pâle enchâssé dans le lagon principal qui pourrait contenir la totalité de l’île de Tahiti.


Vu d’avion, c’est une explosion incomparable de couleurs, une perle précieuse émergeant de l’océan bleu nuit.

Coïncidence, Pierre Perret qui fait alors un break dans sa carrière, y séjourne justement.

Il est descendu à l’hôtel Kia Ora, le seul de l’atoll, composé de paillottes plantées dans le lagon et reliées entre elles jusqu’à la plage par un ponton de bois d’où l’on voit évoluer toutes sortes de poissons multicolores, des raies et même des requins pointes noires ou dormeurs, que l’on dit inoffensifs.


Brel et Perret s’étaient déjà rencontrés quelques mois plus tôt, au printemps 1975, aux Antilles.


Un épisode marquant pour l’ami Pierrot qui se rappelle cette confidence de Jacques : « sur la fin, me disait-il, je faisais du Brel, j’avais l’impression de me singer moi-même, il était temps d’arrêter. Et puis, dès le début, ce métier m’a rendu malade ! Tu en es là, toi ? »

Moi, je n’en étais pas là, mais ce qu’il venait de me dire m’avait quand même filé le traczir... pour la suite ».


Pierre Perret rentrera en France pour enregistrer un nouvel album contenant cette superbe chanson autobiographique « ma nouvelle adresse » (à entendre dans la rubrique « Playlist » de notre blog) qui s’achève en forme de coup de chapeau au Grand Jacques :


Mon copain Jacques a mis les bouts

Toutes voiles dehors ou vent debout […]

Prenez sa nouvelle adresse

Il vit dans le vent sucré

Des îles nacrées

Et à sa nouvelle adresse

Une fille s’amuse à rire

De ses souvenirs


Venir à Rangiroa sans s’adonner à la plongée est un non-sens.


Nous retrouvons Claudio le chilien et son épouse Alexandra (Alexandrie) au club de Rangiroa Plongée pour retrouver nos sensations et pourquoi pas nager avec quelques dauphins qui auraient l’amabilité de venir nous saluer.

Jessica en profitera pour faire son baptême de plongée dans le lagon tandis nous irons par deux fois dans le grand bleu, en plongeurs confirmés.


Nous verrons des dauphins au loin, des thazards, un gros Napoléon (forcément, il rôdait à deux pas des Relais de Joséphine), un requin pointe blanche et des milliers de petits poissons. Au bout d’une heure par plus de 20 mètres de fond, avec sortie en pleine mer sous le parachute gonflé par Claudio, nous avons plus d’appétit qu’un barracuda… ba-ra-cu-da !

Cette parenthèse ne nous a pas fait oublier notre objectif marquisien.

Le 28 décembre, après 5 jours de très beau temps, sans pluie ni vent, Eole se rappelle à nous et nous autorise à reprendre la route vers Fakarava, notre prochaine étape.


Dernière soirée aux Relais de Joséphine où nos hôtes nous invitent à leur table et nous font partager une délicieuse langouste pêchée le matin même.


Nous calons le départ sur le moment propice de l’étale entre la marée sortante et rentrante de la passe de Tiputa le 29 décembre et nous mettons les voiles vers le second plus grand atoll de Polynésie.


Sur le papier - en réalité nos cartes de météo, de houle, de précipitations mixées dans notre logiciel qui calcule la meilleure route en fonction de tous ces paramètres et des performances intrinsèques de Jo&Jo - le voyage pour Fakarava doit durer 32 heures.


Il faut tout d’abord profiter de la neutralisation de la marée voire le début de marée sortante dans la passe de Tiputa à Rangiroa, souvent très agitée. Les dauphins ne viennent pas y faire leurs cabrioles par hasard. Ce sera donc à 11 heures du matin.


Le deuxième paramètre est l’arrivée dans le lagon de destination avant la nuit, car la navigation y est dangereuse avec les nombreuses patates de corail disséminées un peu partout et il est préférable de les repérer dans l’absolu par un soleil zénithal, entre 9h00 et 15h00, ce qui est rarement le cas.


Notre prévision nous fait parcourir les 150 miles nautiques avec un vent de 15 à 17 nœuds et une arrivée (on parle aussi d’atterrissage en termes maritimes) vers 18h00. C’est juste mais ça passe encore car les jours sont les plus longs de l’année et la nuit ne tombe vraiment qu’à 19h00.


Mais la météo en décidera autrement et nous fera subir un vent d’est entre 23 et 30 nœuds, de jour comme de nuit, avec quelques passages de grains pluvieux à plus de 36 nœuds.

Entre deux averses, le soleil reprend ses droits et vient brûler les veilleurs à la barre.


Notre équipière Jessica trouvera une solution originale quoique discutable. Remontant son tee-shirt et le coinçant sous ses lunettes pour se protéger, nous avons eu un haut-le-coeur en sortant du carré en découvrant que nous avions recruté une intégriste musulmane en burka…


Cette fille est aussi une bombe à sa manière, mais en soufflant le chaud (ses tenues minimalistes, que tchador personnellement) et le froid (son hidjab), on ne peut s’empêcher de penser qu’elle pratique un curieux Coran alternatif…


Nous nous faisons surprendre par des vents violents et notre génois - la voile à l’avant - non enroulé à temps subit des efforts qui occasionnent une déchirure qui lézarde le bord de fuite de la voile, la rendant impraticable.

Ces contretemps nous feront arriver à l’entrée de la passe de Garue, au nord de l’île de Fakarava, à 19h30. C’est la plus grande passe de la Polynésie, avec plus de 1500 mètres de large, par ailleurs parfaitement balisée jusqu’au village principal de Rotoava qui peut même accueillir des paquebots.


Cette passe est notamment dangereuse par flux de houle sortante, à plus de 9 nœuds, et le vent à près de 30 nœuds combiné à une houle puissante auront raison de notre courte bravade à les affronter.


Les conditions sont trop hasardeuses et dangereuses, nous faisons demi-tour vers le large pour y attendre des conditions plus favorables de marée et de visibilité.


C’est ainsi que nous passerons une grande partie de la nuit « à la cape », sans voile et sans moteur dans un relatif confort, nous laissant dériver à raison de 1,5 nœud à l’heure vers l’ouest, avec une vigilance et des tours de garde pour surveiller le déplacement de Jo&Jo, livré aux éléments comme un fétu de paille sur l’immensité de l’océan. C’est une pratique courante quand on arrive de nuit et qu’il faut patienter pour entrer sans risques dans un lagon. On n’est jamais autant en sécurité qu’en pleine mer, avec tous les dispositifs de localisation et de mesure de tous les éléments.


Vers 3h30 du matin, nous regagnons la route perdue pendant la dérive nocturne pour nous présenter devant la passe à 5h00. Il fait déjà jour, la visibilité est parfaite, la passe est relativement calme et nous nous lançons à sa conquête. Ce sera avec une grande facilité malgré le vent titrant encore 26 nœuds en moyenne et une houle toujours bien présente.


Fakarava est surnommé « le bout du monde ». Son lagon est immense, d’une superficie de 1121 km2, enchâssé dans un anneau corallien rectangulaire de 60 km de long sur 25 km de large.


L’île compte 845 habitants, essentiellement localisés au village principal de Rotoava.

Ce village est charmant, très propre, fleuri. C’est un véritable coup de cœur.


Nous arrivons directement à quai pour faire le plein de gasoil et d’eau pour nos cuves.


Il y a même une petite supérette où l’on trouve de tout sauf des fruits et légumes, si difficiles à trouver aux Tuamotu.


Nous allons visiter le village - en fait quelques maisons qui s’étalent deux 2 kilomètres - en longeant le bord d’un lagon remarquable par sa végétation et les dégradés de bleus.


Nous croisons un pêcheur accompagné d’un jeune enfant, venu nettoyer ses poissons au pied de deux requins dormeurs qui semblent bien inoffensifs.


Le vieil homme ira même jusqu’à les caresser, les pieds à quelques centimètres de la gueule des prédateurs.

Nos pas nous mènent ensuite vers une petite église magnifique - la plus belle que nous ayons vu en Polynésie pour l’instant - toute repeinte à neuf avec ses couleurs blanches, rouges et bleues.


L’intérieur est décoré de grands lustres en coquillages reliés les uns aux autres par des lianes de coquillages. Le fond de l’abside est tapissé de nacres des huitres perlières.

Nous y repasserons par deux fois le soir du 31 décembre pour assister à de magnifiques chants polyphoniques dans cette église du bout du monde.

Devant cette église se trouve un « mémorial ».

Pas de stèle proprement dite mais un affichage à l’origine d’une association « 193 » pour rappeler et dénoncer les 193 essais nucléaires sur les îles de Mururoa et Fangataufa, de 1966 à 1996.


La première explosa exactement le 2 juillet et portait le nom d’Aldébaran.


A noter que sur Jo&Jo, nous avons aussi une bombe datant du 2 juillet, et chacun aura reconnu le lieutenant Sylvie.


Ce sujet sensible des essais nucléaires reste d’actualité sur le territoire et la reconnaissance voire le pardon ne suffisent pas aux polynésiens qui estiment que les maladies ne se limitent pas aux seuls travailleurs du CEP (Centre d’Expérimentation du Pacifique sud) mais aussi à leur descendance.


Ces essais assuraient la souveraineté nucléaire de la France et la faisait entrer dans le club très fermé du Conseil de Sécurité de l’ONU, achetant et asservissant la Polynésie et sa classe politique sous des flots d’argent plus drus qu’une saison des pluies sur les archipels.


L’argent de la bombe a permis un essor rapide d’une société en retard d’un siècle sur le reste du monde civilisé et les hommes politiques français, de De Gaulle à Chirac en passant par Pompidou, Giscard ou Mitterrand ont tous validé ce choix à la fois économique et stratégique.


En creux de ce « progrès », les pathologies de leucémies, de cancer du rein ou de la tyroïde, ainsi que des anomalies morphologiques et des retards mentaux semblent donner raison à ceux qui réclament reconnaissance, prise en charge et dédommagement. En tout cas, même si le sujet est relativement tabou dans le fenua, le sujet est abordé - bien que très sommairement - dans les programmes scolaires et chacun lutte à sa façon contre l’oubli.


Sans oublier ce passé polémique, nous sommes vite rattrapés par le présent enchanteur de l’île de Fakarava. Où que l’on regarde, c’est propre, lumineux, ordonné.

Pas de grandes structures ici mais des pensions et des hébergements de charme. Un coup de cœur pour les mini-paillottes les pieds dans l’eau de la pension Hawaiki pour siroter un cocktail.

Le lieu est hélas fermé le soir. Nous y passerons pour une photo au soleil couchant avant de nous rabattre sur le bar de la pension pour déguster un cocktail au son d’un orchestre local. De quoi bien commencer l’année 2021…

C’est notre premier séjour à Fakarava mais nous sommes déjà connus à travers le bateau et nos relations. Nous passons par l’incontournable « Fakarava Yacht Services » tenus par les sympathiques et dynamiques Aldric et Stéphanie.

Nous les avions appelés avant de partir de Rangiroa et notre téléphone local hérité de Myriam et Alain, les anciens propriétaires du bateau, affichait « Alaïa » sur leur écran. En surveillant les systèmes d’identification AIS des bateaux, ils avaient vu que Jo&Jo était à quai.


Il a fallu expliquer le changement de nom du bateau et des propriétaires. Alain et Myriam y avaient attendu plus d’un mois des pièces de moteur Yamaha en 2019 sur leur route vers les Marquises.

Et puis, il y avait Francine et Daniel, nos compagnons de confinement à Huahine qui venaient nous ravitailler de bananes et d’avocats en kayak depuis la terre et qui venaient chaque jour nager autour du bateau.


Nous leur avions promis de ne pas passer à Fakarava sans saluer Aldric et Stéphanie de leur part, car ils avaient noué des liens d’amitié assez profonds.


Nous restons en contact avec ces deux couples via notre blog et les mails et c’est agréable d’arriver quelque part déjà adoubés de voileux qui ont parcouru le même chemin.



Nous reprenons notre route vers les Marquises, direction la passe Tetamanu au sud, haut lieu de plongée en sein du groupe de 7 atolls classés « Réserve de biosphère » par l’Unesco.


Jess nous fait écouter sa playlist, notamment le groupe Koru qui fait les beaux soirs du restaurant des 3 brasseurs à Papeete. Elle connait même les paroles en tahitien !

Nous traversons l’atoll au sein du lagon et qui Atoll dit « les opticiens », et qui dit « les opticiens » dit Antoine !


Il est très souvent au mouillage au sud de l’île sur son catamaran jaune « Banana Split » mais nous n’aurons pas la chance de le croiser sur son point d’attache d’Irifa. Ce sera pour une autre fois.


Dans ses élucubrations datant de 1966, sa mère lui disait d’aller se faire couper les cheveux.


Aux dernières nouvelles, il ne l’a toujours pas fait. Mais comme lui, nous portons des chemises à fleurs, en avant-gardistes de la mode comme il le disait si bien dans sa chanson :


« Si je porte des chemises à fleurs

C’est que je suis en avance de deux ou trois longueurs

Ce n’est qu’une affaire de saison

Les vôtres n’ont encore que des boutons »


Nous affalons la grand-voile pour une nouvelle nuit tranquille dans un décor de rêve, bien abrités des alizés d’est encore assez virulents.


Cette anse de lagon est calme et on peut compter autour de nous une vingtaine de voiliers et de catamarans ayant fait le même choix.



Le lendemain, nous nous dirigeons vers la passe sud pour poursuivre notre route, mais des orages s’annoncent. Nous décidons de rester prudemment au mouillage près de l’ancien village de Tetamanu.


Le village de Tetamanu était autrefois la capitale de Fakarava et l’ancienne capitale administrative des Tuamotu. Il ne reste plus rien de ses fastes passés. Le village est abandonné, à l’exception d’une pension de famille, avec 3 petits bungalows aménagés et de 2 familles de pêcheurs, soit 9 personnes permanentes.

Du village il reste une grande rue tracée au cordeau, une église en corail très ancienne (1862) et des restes de bâtiments dont l’ancienne résidence de l’administrateur.


Le bord de lagon, avec les paillotes pour la dizaine de touriste que peut contenir le site est appelé la piscine par les plongeurs.


Nous pouvons voir évoluer des requins, des poissons napoléons et toutes sortes de poissons multicolores dans moins d’un mètre d’eau.




La passe Tamakohua est le siège d’un phénomène unique au monde la nuit de pleine lune de juillet où des milliers de mérous - ou loches marbrées - en tenue de camouflage migrent dans une transhumance incroyable en ce lieu pour se reproduire.


Cela ne se passe qu’une seule fois par an et ces mérous misent sur la quantité d’œufs projetés dans la mer, immédiatement fécondés par les mâles pour perpétuer l’espèce. Ils empruntent la passe en rangs serrés et sont de fait très vulnérables.


Ce regroupement attire d’autres poissons venant participer au festin. Seulement un œuf sur un million survivra à ce carnage, mais la quantité dispersée dans l’océan permet de sauver l’espèce.


Conséquence plus grave pour les mérous, les requins gris qui habitent ces lieux se regroupent aussi lors de cet événement pour chasser en meute pendant la nuit.

Un documentaire, tourné par le plongeur de l’extrême Laurent Balesta - qui est resté 24 heures de suite dans cet environnement hostile grâce à un mélange gazeux d’hélium et d’oxygène - est remarquable pour comprendre le phénomène.


Nous retrouvons sur place tous les protagonistes locaux du reportage, ainsi qu’une maquette cartographiant en 3D la passe et une affiche relatant l’exploit du plongeur et de l’équipe de logistique mise en place.

Durant cet épisode qui a duré un mois sur place, il a été compté plus de 700 requins gris en même temps dans la passe à cette époque particulière (photos ci-dessous, extraites du film).


Le lieu est appelé « le mur aux requins » et une plongée encadrée de professionnels est déjà prévue pour notre retour des Marquises.


Ces requins, au comportement parfaitement connu, restent regroupés à 40 mètres de profondeur et ne se nourrissent que la nuit. A suivre donc dans un prochain épisode du blog, séquence frisson et émotion…

Nous poursuivons la route vers le 3ème plus grand atoll de Polynésie après Rangiroa et Fakarava : Makemo.


L'atoll, de forme irrégulière allongée, s'étend sur 69 km de longueur et 16,5 km de largeur maximales pour une superficie de terres émergées de 56 km2.


La population totale de Makemo est de 825 personnes principalement regroupées dans le village principal dePouheva, qui compte à peu près 600 habitants.


C’est aussi un lieu chargé d’histoire et de légendes. Il était en effet autrefois la patrie du héros Moeava, guerrier fameux qui accomplit de nombreux exploits dans l'archipel des Tuamotu, on raconte également que les sirènes appelées les « Mokorea», avaient élu domicile sur un «motu», près d’une large vasque naturelle d’eau douce.


En 1926, le navigateur français Alain Gerbault y fit une halte. Il fut tant charmé, qu’il surnomma Makemo « atoll de la perfection », du fait de la pureté de son lagon émeraude, de l’atmosphère paisible qui y règne et ses multiples centres d’intérêt.

La traversée du lagon dure 5 heures, à naviguer à vue avec le soleil révélant les nombreuses patates de corail qui émaillent les fonds et qui affleurent le niveau de l’eau alors que le fond est partout de 17 à 20 mètres.


C’est très dangereux et il faut bien deux vigies à la proue pour repérer les traitresses résurgences à fleur d’eau qui ne demandent qu’à faire échouer le bateau.


Il faut souligner l’excellente santé phytosanitaire de la Polynésie car, à traverser un tel champ de patates, nous n’avons repéré aucun doryphore. Certaines idées reçues s’effritent…

Le village de Poheva est absolument charmant, bien ordonné avec des rues droites recouvertes de béton blanc, bordées de murets avec des balustrades de ciment peintes aux couleurs du quartier, en mauve, jaune, bleu ou vert.

Tout est calme et apaisé, tout semble neuf ou presque. Les habitants sont extrêmement gentils et se baladent pour la plupart sur de curieux tricycles avec panier bien pratiques.

Il y règne une quiétude qui justifie encore un siècle après les impressions « d’atoll de la perfection » d’Alain Gerbault, le premier navigateur qui traversa l’atlantique en solitaire en 1923 et qui fit le premier le tour du monde en solitaire qu’il termina en 1929. Il a fini sa vie en Polynésie, une stèle lui étant érigée sur le port de Vaitape à Bora Bora.

Nous nous promenons dans le village de Pouheva, au cœur d’une végétation riche de fleurs en cette saison chaude si généreuse.


Il y a une mairie, une poste, des locaux administratifs flambant neufs, un collège et un lycée, une boulangerie et trois supérettes. Un terrain de sport et un port semblent être les points d’animation principaux. Pourtant, la goélette, bateau de liaison pour les marchandises, ne passe qu’une fois par mois. Pour les denrées fraîches - fruits et légumes - ils arrivent par avion une fois par semaine.


Le lieu a la chance de recevoir le terminal de la fibre venant des îles Hawaï, ce qui offre une connexion haut débit très inhabituelle dans ce lieu perdu loin de tout.

L’église Saint-Joseph, au curieux minaret, domine le centre du village et fait écho au phare situé à l’entrée de la passe de Arikitamiro.


Les abords de cette passe reçoivent de fortes vagues propices à la pratique du surf.


Les rouleaux y sont impressionnants.

Il n’y a que deux catamarans dans la baie, notre Jo&Jo bien sûr et un bateau américain baptisé SeaRose (rose des mers). Nous sommes les seuls touristes de l’île.


On ne peut suspecter ses propriétaires - un couple qui projète de partir sur l’archipel des Gambiers - d’un mauvais jeu de mots dans la dénomination de leur catamaran, évident si le bateau avait été français, sauf à tomber sur un alcoolique notoire qui assume son addiction.

Nous faisons la connaissance d’un français, David, qui tient un petit restaurant. Il vit en Polynésie depuis 22 ans. Nous sympathisons avec lui et nous réservons notre repas du lendemain.


Nous serons les seuls clients. Repas de haut de gamme, salade aux magrets de canard, pavé de bœuf avec un ragout d’escargots pour le capitaine et du saumon fumé à la sauce crème à l’aneth pour les dames, fondant aux chocolat et poires au vin, le tout arrosé d’un excellent Lalande de Pomerol.


Perdus au bout du monde certes, mais pas ravitaillés par les corbeaux !

L’instant coïncide avec l’événement du coup de force des supporters de ce gros con de Trump venant investir le Capitole. Continuons à fermer les yeux ou à encourager les discours des populistes des tous poils - de droite comme de gauche - aux USA, en Amérique du Sud, en Europe et même en France et nous verrons encore ce genre de chaos.


Nous sommes préservés dans notre bulle, loin de cette planète dite civilisée qui perd les pédales et ses repères, qui se confine et se dé-confine tour à tour, qui attise la haine, la rancœur, la revanche, le repli sur soi.


Demain, nous reprenons la mer pour l’île de Raroia, minuscule atoll rendu célèbre pour avoir accueilli l’arrivée de l’expédition du Kon Tiki dérivant pendant 101 jours en 1947, à la suite du pari fou d’un norvégien de prouver que les migrations polynésiennes venaient de l’est - Chili et Pérou - et non de l’Asie.


Nous en reparlerons dans le prochain blog.


 
 
 

1 Comment


genevieve.jacques0082
Jan 07, 2021

J'ai parcouru cette "page" avec toujours autant de plaisir et j'ai été impressionnée de la réaction de Jacky sur "la révolution Trump" commentée alors que je viens seulement moi-même de la découvri, car hier soir je n'avais reçu aucune information... je regardais "La piscine" avec "qui vous savez (Alain DELON) - je ne m'en lasse pas". Donc vous, si loin de moi et moi-même partageant la même information en même temps... j'ai relu deux fois pour être sûre que nous parlions de la même chose. Ceci étant je vous remercie de vos voeux et vous souhaite une très belle nouvelle et seconde année de mer, de soleil de fonds magnifiques et de poissons impressionnants. Je vous embrasse. Geneviève

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