31 – Tahaa – Raiatea – Bora Bora
- Jo et Jo

- 31 oct. 2020
- 11 min de lecture
Naviguer en pleine mer, même pour 4 heures de traversée entre Huahine et Tahaa, c’est prendre en compte tous les éléments de météo. Le vent est favorable en ce lundi matin, les vagues sont orientées dans le bon sens avec une houle formée, mais il pleut. Le logiciel météo indique une embellie à partir de 13h00. Nous reportons donc notre départ matinal.
Nous quittons la baie d’Avea à grands coups de corne de brume pour remonter vers Fare où nous ferons nos derniers achats et déjeunerons à quai aux abords du Yacht Club. A 14h00, nous larguons les amarres et nous hissons les voiles. Nous voyons les gros nuages de pluie devant nous et nous les suivons bien au sec.
Le vent est plus faible que prévu et nous arrivons à la passe est de Tahaa un peu avant la tombée de la nuit. Trop tard pour aller au mouillage prévu en fond de la baie d’Haamene. Nous resterons à l’entrée de l’île, avec 1 mètre 50 d’eau limpide sous le bateau, sur un lit de sable coralien.
Patrick a piloté la manœuvre des derniers miles et franchi la passe avec brio. La traversée bien que courte ayant travaillé les organismes, nous nous couchons tôt.
Nous faisons les derniers miles jusqu’au fond de la baie, bien abritée. Il fait chaud, l’habillement est minimaliste, les lunettes de soleil et la protection d’un chapeau de paille ne sont pas de trop sur le carré arrière.

Nous prenons le lendemain la navette maritime jusqu’à Uturoa, la capitale de Raiatea, l’île sœur. Cette ville est la seconde en taille après Papeete pour l’ensemble de la Polynésie, mais elle n’est en fait pas plus grande qu’un gros village français. Elle ne comporte pas de réel intérêt et l’île de Raiatea vaut le déplacement pour sa fleur endémique et en voie de disparition, le tiare apetahi à 5 pétales répartis sur la moitié de sa circonférence et ses marae, temples anciens dont les plus grands se trouvent au sud de l’île.
Nous revenons à Tahaa pour diner au meilleur restaurant de l’île, le Tahaa Maitai (jeu de mots approchant le fameux Tamaa Maitai qui veut dire « bon appétit » en polynésien). Nous y goûterons un bon thazard à la sauce vanille et une crème brûlée délicieuse, à la vanille de Tahaa bien sûr.

Le lieu est également connu pour l’impressionnante collection de whiskies et de rhums que propose Bruno, le propriétaire. Il a encore augmenté le nombre de flacons depuis notre dernier passage et ce n’est pas moins de 190 breuvages qu’il propose aux dégustateurs avertis.
Patrick, grand amateur de rhums et de whiskies devant l’éternel, est comme un enfant devant une vitrine de Noël.
Nous prenons le lendemain le chemin de la côte ouest par le lagon, en passant par le sud de Tahaa.
Nous arrivons devant un ensemble de motus dont l’un héberge un hôtel de luxe - le Tahaa Private Island and Spa - avec des paillotes sur pilotis et où se trouve une rivière de corail peu profonde qui permet de nager en dérivant depuis le récif jusqu’à son embouchure dans le lagon.
En toile de fond, l’île de Bora Bora.
Nous profiterons de cette rivière par trois fois, en nous laissant porter en snorkeling par le courant au milieu de coraux, d’anémones avec leurs petits clowns et de nombreux poissons dont la variété est impressionnante.
Nous prélèverons au passage sur le motu deux noix de coco qu’il faudra débourrer et râper sur le bateau.

Retour le soir en baie d’Apu, bien protégée, pour être au plus près d’un loueur de véhicule. Nous profitons de notre sortie à terre pour une photo anniversaire que nous enverrons à Timothée, le petit-fils de Jacky, qui fête ses 4 ans.

La journée est consacrée aux trois spécialités de Tahaa : la vanille, le rhum et les perles… en plus de sa nature sauvage qui en fait une île authentique et attractive.

Nous commençons par la vallée de vanille où tout nous est expliqué en détail, de la pollenisation jusqu’à la commercialisation. Tout est fait traditionnellement et manuellement. Il faut 3 ans entre la plantation de la liane et la première floraison.
La fleur s’ouvre vers 4 heures du matin et se referme vers midi. Si elle n’est pas fécondée, elle tombe et ne donnera jamais de gousse. Il faut donc passer chaque matin dans la vanilleraie pour féconder la fleur à l’aide d’une petite tige de bois, la fleur de vanille étant hermaphrodite et contenant les organes mâle et femelle nécessaires à sa reproduction.
Sans intervention humaine, seul 1 % des fleurs sont fécondées naturellement.
A partir de là, la fleur reste en place et son pistil se développe, donnant la gousse qui mettra 9 mois pour arriver à maturité.
Elle sera ensuite placée sur des séchoirs de tôle ondulée à raison de 3 heures par jour, les jours de soleil, et ce pendant 3 mois. L’objectif est de chauffer la gousse qui perd ainsi 40 % de son volume et prend sa couleur noire. Elle est ensuite massée individuellement et redressée si besoin, puis calibrée et enfin mise en sachet.
Ces multiples opérations manuelles et le temps mis à produire de la vanille (4 ans minimum pour une première récolte) expliquent son prix élevé (60.000 francs pacifiques soit 500 euros le kilo) mais elle est considérée comme la meilleure du monde, bien que ne représentant que 1 % de la production mondiale (l’essentiel provenant de la vanille bourbon de Madagascar).
Tahaa est restée sauvage et offre de splendides panoramas, avec ses montagnes et ses vallées verdoyantes, son bord de lagon et surtout l’archipel de motus qui ceinture l’île.

C’est ce côté sauvage qui a sans doute convaincu les réalisateurs de Koh Lanta de venir y tourner la prochaine saison. Ils occupent 11 petits motus au nord de l’île pour offrir à leurs candidats des conditions de vie au plus près de la nature, mais l’équipe de réalisation vit en mode grand luxe sur le paquebot Paul Gauguin au port d’Uturoa, privatisé pour l’occasion.

Nous poursuivons notre route jusqu’à la distillerie de rhum Mana’o qui fait les beaux soirs de jeux apéritifs sur Jo&Jo.
Nous y retrouvons Anaïs et Olivier, toujours aussi passionnés, qui nous expliquent les variétés de canne à sucre endémiques à l’île de Tahaa qui servent à fabriquer le breuvage. Ils en utilisent 12 variétés, assemblées à la manière des cépages de raisins.
Nous sommes en pleine récolte et les ouvriers s’activent à la broyeuse pour en extraire le précieux jus qui sera distillé à Tahiti en attendant que l’alambic soit installé sur place prochainement.
Nous passons à la dégustation du rhum blanc et du rhum ambré qui est servi avec des petits morceaux de canne à sucre qui apportent de la fraîcheur et une note sucrée sur la gorgée de spiritueux titrant 50 °.
Notre intérêt et notre bonne connaissance de leurs produits nous amènent à évoquer le rhum blanc de Rangiroa, produit à partir de 2 essences de canne à sucre, et qui est en rupture de stock et de vente depuis plusieurs mois.
Olivier ira dénicher un fond de bouteille dans sa réserve personnelle et nous aurons le privilège de le déguster en connaisseurs.

Nous avons terminé le circuit par la visite d’une ferme perlière - restant ouverte juste pour nous, la journée des greffeurs se terminant à 15h00 - pour des explications détaillées sur la culture des huitres et surtout la démonstration de la dextérité d’un greffeur venant récupérer la perle par incision de la poche de l’huitre, récupération de la perle et la remplacer par un nucléus de même taille en coquillage.
Les perles ainsi extraites sont classées en 4 catégories : les rondes, les semi-rondes, les baroques et les cerclées. Elles seront ensuite classées par couleur, par lustre et par taille. Chaque perle doit comporter a minima 0,8 mm de couche de nacre pour pouvoir être commercialisée, sinon elles sont détruites afin de ne pas affaiblir le cours de la perle. L’essentiel de la production est vendu à la Chine.
Quelques achats plus tard, nous rendons la voiture avant de regagner le bateau, fatigués par une journée aussi remplie.
Tahaa laissera une bonne impression à nos vacanciers. Il est temps de partir vers Bora-Bora dont la proximité nous nargue depuis quelques jours…
La traversée se passe idéalement, sous le soleil et avec une houle bien formée qui nous berce en douceur.
Nous avons pu voir une baleine souffler au loin, mais vite disparue dans les profondeurs, mais le meilleur nous attendait à l’approche de la barrière de corail au sud de l’île.
La venue de Jo&Jo à Bora Bora, avec ses deux dauphins sur la proue des flotteurs babord et tribord était-elle annoncée dans le monde sous-marin ?
Il faut croire que oui, car deux premiers dauphins sont venus nous saluer à l’avant du bateau avant que toute la colonie les rejoigne pour effectuer un ballet fantastique durant près de 20 minutes.
Bora Bora s’offrait à nous de la plus belle des manières.
Cela compensait le fait que nous étions bredouilles à la pêche durant la traversée.
Encouragés par notre aventure de pêche en haute mer avec Coro, nous avions décidé de nous lancer nous aussi dans la pêche au gros en laissant trainer deux lignes avec des leurres multicolores et de gros hameçons. Le jour et les conditions n’étaient sans doute pas propices à remonter un thon ou un espadon. Nous renouvellerons l’expérience lors de la traversée de Bora Bora vers Huahine.
La côte ouest de Bora Bora n’offre pas beaucoup d’intérêt, outre le fait qu’elle abrite un petit supermarché, quelques magasins et des services administratifs. Nous nous posons quelques heures au yacht club pour un déjeuner sur le ponton face à Jo&Jo, en dégustant un Spritz et un risotto à la coquille Saint Jacques. Service à la polynésienne, mais nous ne sommes pas pressés…
Ce qui fait le charme de « la perle du pacifique », c’est la côte est avec son lagon turquoise, ses motus de rêve et ses hôtels de luxe.
Nous jetons l’ancre à quelques encablures du Saint Régis, le plus luxueux hôtel de Bora Bora qui dispute la palme de l’excellence (et du prix du séjour) avec le Four Seasons tout proche.

C’est ce panorama qui a valu à Bora Bora la réputation de « plus beau lagon du monde », avec ses dégradés de turquoises et de saphir de ses eaux limpides, son sable de corail blanc et les verts des monts Pahia et Otemanu qui se dressent au centre du l’île sous le soleil tropical.
Ce lieu de quiétude et de beauté possède indéniablement une âme qui invite à la contemplation de la nature dans ce qu’elle a de plus emblématique du paradis terrestre. Louis-Antoine de Bougainville n’avait-il pas décrit la Polynésie à son retour en France en 1768 comme la « nouvelle Cythère »… ?
L’emplacement est idéal pour une démonstration de Taï Chi sur le toit du bateau.
Ainsi, grâce à Madeleine, le Dynamic Club de Roanne aura affiché sa tenue noire et blanche sur le lagon de Bora Bora.

Une zone dépressionnaire vient balayer la Polynésie et Bora Bora.
Nous restons au bateau toute la journée à regarder tomber la pluie, à nous reposer et visionner deux films.
Le premier « en pleine tempête » avec George Clooney nous plonge dans le film catastrophe à la sauce hollywoodienne d’un bateau de pêche en perdition au cœur de 3 tempêtes se renforçant mutuellement. Rien à voir avec nos navigations paisibles dans les lagons mais cela frappe quand même les esprits de nos passagers.
Pour faire passer ce naufrage et se changer les idées par une crise de rire assurée, nous décidons de revoir l’inénarrable François Pignon dans le dîner de cons. Entre Marlène Sasseur et Juste Leblanc, on ne voit pas le temps passer.
Les cieux devenant un peu plus cléments, nous refaisons le tour de l’île pour quelques courses, un peu de connexions internet et un mouillage au sud de l’île.
Nous irons prendre en verre à l’hôtel Intercontinental au bout de la pointe Matira après avoir nagé dans la plus belle plage de Bora Bora, avec un sable de corail blanc à la texture d’une poudre de riz.

Le soir, nous dinerons au Bloody Mary’s, célèbre restaurant branché qui a accueilli toute la jet-set mondiale et où on mange les pieds nus dans le sable sur des tables en troncs de cocotiers.
Beaucoup de choix de poissons (thon blanc ou rouge, perroquet du lagon, marlin, thazard, mahi-mahi, espadon) que nous choisirons et qui se seront cuits à la plancha et accompagnés d’une sauce à la vanille. Un vin blanc de Nouvelle Zélande vient compléter le repas, après le cocktail d’apéritif, le tout avec l’animation de deux guitaristes et chanteurs qui interprèteront les grands standards américains.

Les vedettes les plus en vue ayant mis les pieds dans cet établissement ont leur nom gravé sur des plaques de bois à l’entrée du restaurant.
Mais les personnages moins célèbres, comme nous, ont aussi l’occasion de marquer leur passage.
Un énorme tableau près du bar est constellé de billets de banque - surtout des dollars – sur lesquels les clients écrivent une dédicace.
Un gros feutre et une agrafeuse sont à disposition près du tableau.
Nous sacrifions à la tradition en laissant une marque éphémère de notre venue, dans l’attente que nos billets soient à nouveau recouverts par d’autres…

Nous sommes le mardi 27 octobre. C’est déjà le mercredi 28 en métropole et les nouvelles ne sont pas bonnes. L’annonce d’un re-confinement est imminente. La Polynésie, qui était préservée jusque-là, commence à redouter une vague à laquelle elle ne pourrait pas faire face. Dans les îles, les moyens médicaux sont réduits à quelques dispensaires et tout se traite à Papeete. La capacité de lits en réanimation est limitée à 60 pour tout le territoire.
Certes, ce ne sont que les îles de Tahiti et de Moorea qui sont touchées presque exclusivement, mais les professionnels de santé commencent à faire pression pour que le gouvernement polynésien durcisse les mesures déjà en place, calquées sur la France (couvre-feu à Tahiti, limitation de regroupements publics ou privés à 6 personnes).

Dans la crainte d’un re-confinement et surtout de l’interdiction de naviguer d’île en île, nous nous décidons à quitter Bora Bora un jour plus tôt que prévu et revenir à Huahine.
Partis à 6 heures du matin, avec un sens du vent favorable mais trop faible pour avancer convenablement à la voile en début de parcours, nous faisons route directe en passant au nord de Tahaa.
Nous finirons heureusement le voyage à bonne allure, toutes voiles déployées au portant - un vent de nord-ouest est assez rare dans ce pays d’alizés d’est - pour nous poser vers 15 heures à Port Bourayne, dans la baie séparant Huahine Nui et Huahine Iti, où se trouve le fameux aquarium de milliers de poissons que nous avons envie de retrouver.

C’est toujours un enchantement d’approcher ces animaux quasi domestiqués, tant ils sont habitués aux ballets des pirogues et des annexes, des dizaines de plongeurs et de la nourriture qu’on vient leur apporter à profusion chaque jour.
Patrick s’essaiera au paddle pour rejoindre l’aquarium depuis Jo&Jo. Son frêle esquif est particulièrement instable pour couvrir les deux cents mètres jusqu’à destination, mais le résultat est à la hauteur des attentes avec un festival de poissons multicolores.
Vendredi 30 octobre 2020. Nous sommes à Huahine depuis deux jours et depuis deux jours, la France est de nouveau confinée, selon des règles identiques à celles du printemps.
La Polynésie vient de prendre connaissance de la décision de son propre président, Edouard Fritch. La Polynésie, bien qu’autonome, a toujours été suiveuse de la politique française, mais la situation économique déjà fragile change la donne malgré un taux d’infection en forte progression.
Voici sa position devant la presse :

« Vous savez, je n’ai pas envie qu’il y ait un confinement parce que ce serait une catastrophe sur le plan économique. On me reproche encore aujourd’hui à l’assemblée d’avoir rouvert les frontières.
Mais si je ne l’avais pas fait, combien de familles seraient par terre ?
Combien d’entreprises seraient par terre ?
Ce mal est aussi cuisant que celui que nous subissons aujourd’hui. Toute la gymnastique que nous avons eue à faire a été de trouver un équilibre intelligent pour tenter de continuer à protéger nos populations. Et c’est ce que nous avons fait. »
La suite de notre voyage, notamment vers Moorea, semble malgré tout bien compromise avec notamment le spectre d’une interdiction des déplacements inter-îles pour juguler la propagation du virus, non encore envisagée pour l’instant.
Il s’agit désormais de surveiller la situation au jour le jour, conscients que nous sommes malgré tout des privilégiés dans un lieu de rêve.
Mais qu’il faut penser au retour pour nos invités le 13 novembre, selon des modalités qui restent encore à définir.
Deux semaines entières à profiter avec le moins de modération possible, en prévision de jours plus sombres…



































































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