14 - Bora Bora
- Jo et Jo

- 20 mars 2020
- 9 min de lecture

Bora Bora est un lieu de contrastes. Il faut à la fois y être venu au moins une fois pour s’en faire une idée et ensuite préférer les îles aux alentours.
Un guide nous avait posé cette devinette : qu’est-ce qui pousse à Moorea ? des ananas. Qu’est-ce qui pousse à Tahaa ? de la vanille. Qu’est-ce qui pousse à Bora Bora ? des hôtels de luxe ! Tout est dit…
C’est l’endroit le plus bling bling et le moins authentique de toute la Polynésie. Stars, milliardaires et célébrités de tous pays – surtout américains – viennent séjourner dans des hôtels parmi les plus beaux du monde et y vivent en vase clos, dans un entre-soi de bon aloi.

La côte est remplie de ces hôtels dont les pilotis s’égrènent en chapelets sur la côte.
Le Four Seasons et le Saint Régis, les plus chics dont les suites peuvent monter à 4.500 euros par nuit.
Il y a aussi 2 Sofitels, 2 Intercontinental, 1 Hilton, 1 Méridien, de nombreux autres « resort and spa » et un Club Méditerranée en cours de reconstruction), il n’y a rien à voir ou à faire sur la terre ferme.
Notre bateau est à l’ancre par 3m50 sur fond de sable, au sud du Saint Régis, avec ses pilotis en forme de triangle.
On vient ici pour la beauté - indéniable - du lagon, pour survoler l’île en hélicoptère ou en faire le tour en jet-ski. La ville principale, Vaitape, est très pauvre en magasins et un sur deux est consacré à la vente de perles de Tahiti, qui ne sont même pas exploitées sur place. Pas de Chanel ou de Vuitton en ville, ils sont dans les boutiques des hôtels.
Ici, on ne vous dit pas bonjour et on ne vous offre rien. Les prix sont affichés en dollar et un simple corps-mort pour le mouillage, quel que soit l’endroit dans le lagon, vous coûte 3000 francs pacifiques par jour (un peu plus de 25 euros) sans le moindre service d’eau, d’électricité, de laverie ou de wifi.
Pour le reste, l’île est magnifique et combine à la fois les reliefs escarpés des îles de société avec une montagne centrale et l’anneau de corail des îles des Tuamotu. Les îles du Pacifique (mais c’est aussi le cas des îles des Canaries ou du Cap Vert ou des Maldives par exemple) sont nées de l’éruption d’un volcan au-dessus d’un point chaud. La longue dérive des continents fait que le volcan finit par ne plus se trouver en face de la poche de magma et s’éteint.
Une autre île apparait un peu plus loin dans l’axe de dérive. La précédente se refroidit et s’enfonce peu à peu sous son propre poids. Les récifs de coraux de la périphérie poussent au contraire pour retrouver la lumière nécessaire à leur survie (les coraux sont des espèces vivantes), ce qui crée une ceinture de corail, ou atoll.
On peut ainsi du premier coup d’œil connaitre l’âge de ces formations. Dans les Tuamotu, la montagne centrale a disparu et il ne reste que les atolls, ce qui date le volcan à plus de 20 millions d’années. Ce sont les îles les plus anciennes. Tahiti, la plus à l’est, est la plus jeune (2 millions d’années), très montagneuse et peu de lagon. Celle de Bora Bora, ainsi que Maupiti à l’ouest, sont les plus anciennes des iles de la Société (7 millions d’années), avec un large lagon ceinturant de loin la montagne. Mais il faudra des millions d’années pour que celle-ci disparaisse.
Ce n’est pas le cas des îles Kiribati, à 2500 km au nord-ouest, situées sur l’Equateur, près des Fidji et des Samoa et qui, sous l’effet du réchauffement climatique et de la montée des eaux, sont condamnées à disparaitre dans les 40 prochaines années. La population ne cherche d‘ailleurs plus à endiguer le phénomène mais à trouver une nouvelle terre d’accueil.
Pour la beauté de ce lagon de 80 km2, trois fois plus grand que la surface de l’île centrale, où différentes nuances de bleus et de verts se succèdent, Bora Bora a été surnommée « La perle du Pacifique ».

Exploitation touristique oblige, plusieurs zones proposent des nourrissages des raies et des petits requins de récifs à pointe noire - inoffensifs et quasi apprivoisés - ainsi qu’un site où des raies manta ont élu domicile. Vers la pointe sud, des milliers de poissons foisonnent dans un jardin de corail.
Outre la beauté de son lagon, Bora Bora est très prisée des américains car elle fait partie de leur histoire. En 1942, deux mois après l’attaque de Pearl Harbour par les japonais, 5000 marines débarquaient à Bora Bora pour y installer une base avancée, avec des canons et des batteries anti-aériennes qui subsistent encore dans la pointe sud. Un aéroport de 2 km de long a été construit au nord, toujours en activité. Ce sera le premier de la Polynésie.
Mais la guerre du Pacifique contre le Japon se déplacera rapidement vers les Philippines. Bora Bora aura profité d’un sacré coup de pouce avec 20.000 tonnes de matériel apportées sur place. Les américains quittèrent l’île en 1946.

L’île est aussi célèbre pour abriter la tombe d’Alain Gerbault, aviateur héros de la première guerre mondiale et tennisman de renom, mais surtout le premier navigateur qui traversa l’atlantique en solitaire en 1923 et qui fit également le premier le tour du monde en solitaire qu’il termina en 1929.
Il vécut longtemps en Polynésie, se lia d’amitié avec la reine de Tahiti et s’établit à Bora Bora.
Il dénonça dans son livre « L’Évangile du Soleil » les méfaits de la civilisation occidentale sur les populations indigènes et sera jusqu’à sa mort le défenseur de la cause de la Polynésie.
Une stèle en sa mémoire est présente sur le port de Vaitape.

Ce fut aussi le port d’attache de l’explorateur et humaniste Paul-Emile Victor qui, après avoir arpenté le pôle nord, vint passer les 18 dernières années de vie sous les alizés. Il vivait dans sur le motu Tane, au nord de l’île.
Son fils Téva, sculpteur, y vécut un temps, perpétuant le souvenir de son illustre père. Témoin, le portrait de son père gravé à même l’arbre. Il est maintenant installé à Papeete.
Parmi les citations de Paul-Emile Victor, voici celle-ci de circonstance : « Ce n'est pas ce que nous sommes qui nous empêche de réaliser nos rêves, c'est ce que nous croyons que nous ne sommes pas. »

Notre premier mouillage en arrivant dans la baie de la seule passe accessible par bateau s’est effectué devant le Bora Bora Yatch Club, équipé d’un ponton facile d’accès et d’une terrasse panoramique, à 30 minutes à pied de la ville principale.
C’est le lieu incontournable des marins au long cours, recommandé dans tous les guides, avec beaucoup de possibilités de mouillage et surtout la connexion wifi…
Le Fenua (le pays) est en pleine campagne d’élections municipales de premier tour, comme en métropole. 5 listes sont en course, à grand renforts de tee-shirts et de drapeaux pavoisant les maisons et les portières de voitures. Chaque camp a sa couleur, des rouges du maire sortant aux bleus qui semblent plus actifs en passant par les verts et les jaunes.

Comme en métropole, l’entreprise de séduction opère et fait sortir les prétendants de leur trou. Nous les observons en train de faire un porte-à-porte empressé par groupes de 4 ou 5 personnes dans le même uniforme.
Tous veulent la même chose pour eux-mêmes, sous couvert de progrès et de partage, dans ce pays où la plupart des autochtones vit des aides sociales : un travail rémunéré et pas trop difficile…
Nous changeons de mouillage le lendemain pour la pointe sud de l’île, devant la cloche de Hiro, au profil caractéristique. Un orage s’annonce et nous gratifie d’un superbe arc-en-ciel.
Là encore, un ponton est face à Jo&Jo. Il s’agit de celui du Bloody Mary’s, un célèbre restaurant qui a vu défiler toute la jet-set du monde entier et dont certaines célébrités ont immortalisé leur passage sur plusieurs plaques de bois sur la façade de l’établissement.
Certains, moins célèbres mais voulant laisser une trace épinglent sur un tableau géant à l’entrée une dédicace au feutre sur un dollar américain.
Nous nous contenterons d’une photo.
Tout est en bois, troncs de cocotiers et plafond de pandanus, le chaume local. Le sol est en sable blanc et il est de bon ton de quitter ses chaussures à l’entrée pour diner pieds nus.
Le sud de l’île est réputé pour sa magnifique plage de sable blanc, la plage Matira.
A sa pointe, se trouve l’Intercontinental Moana Resort, où nous allons boire un jus de fruits sur une terrasse avec vue sur les îles de Tahaa et de Raiatea.
C’est le lieu choisi par nos amis Virginie et Hervé, de Carpentras, pour y séjourner en septembre prochain après avoir passé quelques jours avec nous de Papeete à Moorea.
Impossible en effet de parler de Bora Bora sans parler de ses fameux hôtels qui font sa réputation. Nous faisons le tour de l’île pour un mouillage à l’ancre entre le Saint Régis et le Méridien.
Nous décidons d’aller diner le soir-même au Saint Régis, le plus prestigieux et le plus titré avec ses 5 étoiles en catégorie hôtel. Il possède 4 restaurants. C’est le palace par excellence, composé de bungalows sur pilotis plus grands et plus espacés qu’ailleurs et où aucune feuille ne traine par terre. Tout n’est ici que luxe, calme et volupté. Il suffit juste d’y être admis, puis ce sésame ouvre ensuite toutes les portes.
Nous avions appelé dans l’après-midi pour savoir si nous pouvions venir en annexe et y être reçus.
Il a fallu trois interlocuteurs successifs jusqu’au gérant du restaurant pour qu’enfin on nous accepte et qu’on nous souhaite la bienvenue. Cela nous a rappelé l’approche analogue il y a 7 ans pour pouvoir montrer patte blanche et entrer dans la célèbre Mamounia, à Marrakech.

Nous avons réservé le restaurant gastronomique Lagoon, 3 étoiles au guide Michelin. Le chef Jean-Georges Vongerichten a été formé auprès de Paul Haeberlin et Paul Bocuse. Il est à la tête de 18 restaurants dans le monde, dont 5 à New York. Petit clin d’œil : en 1991, Jean-Georges ouvrait son premier restaurant à New York, le « Jo Jo », qui obtint trois étoiles par le New York Times.ns ainsi que des requins, dont deux requins citron reconnaissables à leurs deux nageoires dorsales.
Le repas, à base de poissons (de l’uravena, rare et très fin poisson des profondeurs et du mahi mahi, ou dorade coryphène), accompagné d’un verre de Sancerre sera un vrai délice, agrémenté d’amuses-bouches avec en touche finale une dégustation de 3 rhums arrangés offerts par la maison.
Nous étions les seuls français, au milieu de couples d’américains.
Les serveurs, très attentionnés, étaient heureux de parler enfin leur langue natale et, malgré le décor pompeux de l’endroit, ont su créer une ambiance décontractée et amicale.
L’addition était à la hauteur de la prestation et il n’est pas étonnant que le Saint Régis soit classé n°1 des hôtels de Bora Bora par le magazine américain Forbes, devant le « Four Seasons », autre palace de référence tout proche.
Là encore, nous serons les derniers à partir, discutant avec les serveurs sur leurs parcours depuis la métropole, leur vision de la Polynésie, leurs projets. Nous croisons beaucoup de ces jeunes trentenaires qui osent changer de vie, suivre leurs envies, entreprendre, que ce soit dans la restauration ou dans le montage de petites structures sportives ou touristiques. Aucun n’envisage de rentrer en métropole…
Le lendemain, nous nous dirigeons en annexe vers le lagoonarium, sur le motu attenant au Saint Régis. Il s’agit d’un parc où vivent des poissons, des raies, des tortues et surtout des requins de récifs à pointes noires et des requins citron.
Nous nageons dans le parc à poissons, dans une multitude de poissons du lagon, parmi les poissons cochers jaunes et noirs et un énorme mérou en tenue de camouflage pas farouche du tout. Il n’est pas possible d’entrer dans le parc à tortues, celles-ci sont trop fragiles et s’admirent d’un ponton.
Les raies évoluent dans un parc séparé, en compagnie d’un petit requin à pointe noire. Elles s’approchent et se laissent caresser, tels de gros chats domestiques et dansent autour de nous un ballet ondulé faisant penser à des danseuses de flamenco.

Nous passerons plus d’une heure dans le grand parc des requins, dans leur ronde incessante autour de nous, avec ce sentiment de vivre une expérience exceptionnelle.
Les requins sont bien nourris chaque jour ce qui rend la plongée parmi eux sans danger. Il est quand même vivement conseillé de ne pas les toucher.
Certains sont assez gros mais ces races de requins ne sont pas dangereuses. Le requin tigre l’est beaucoup plus mais ne vit pas dans le lagon. Les rares accidents, forcément médiatisés de « shark feeding » (nourrissage de requins) sont dus à des imprudents ou des intrépides qui oublient la nature sauvage de ces animaux, à l’instar de ce que l’on peut vivre dans tout parc animalier.
Il fallait voir la nage tranquille de Sylvie au milieu des squales. Nous avons adoré cette immersion en douceur dans le monde de ce grand prédateur au sommet de la chaine alimentaire et qui n’a que l’homme pour le chasser (mais il est protégé).

En résumé, Bora Bora est un lieu remarquable et ne vaut le séjour que pour son lagon et ses hôtels. Les maisons sur pilotis et tous les services associés offrent des vacances inoubliables de luxe, de baignades et de soleil, vendues comme un bon produit marketing bien rôdé à une clientèle essentiellement américaine.
En vivant sur un bateau comme c’est notre cas, l’attrait et l’impact sont forcément moindres, sauf à déserter le catamaran pour jouer les touristes des hôtels.
Cela rejoint les avis éclairés de tous les « voileux » que nous avons rencontrés depuis notre arrivée en Polynésie, ainsi que les habitants des îles voisines. Bora Bora est vraiment à part et nous l’avons bien ressenti.
Même le chanteur Antoine n’y a pas été très inspiré dans sa chanson « Bord à bord à Bora Bora ».
Il faut dire qu’il prenait le prétexte de ce jeu de mots pour saluer la présence d’Eric Tabarly à côté de son bateau, arguant qu’il l’avait vu danser le Tamouré, ce qui est peu probable de la part du taciturne capitaine du Pen Duick.

Nous serons finalement restés 7 jours à Bora Bora, se partageant entre les côtés est et ouest de l’île, avec une vue imprenable chaque matin depuis notre chambre par les deux hublots de tribord.
Et en prime, une piscine d’eau chaude tout autour de la maison, dont nous avons abondamment profité !
Le lundi 16 mars au lever du soleil qui pointe derrière le Mont Otemanu, nous reprenons la route directe vers Huahine par le nord de l’île.

Un dernier mot pour finir de Paul-Emile Victor qui résume l’essence même de ce blog et pour lequel nous remercions nos fidèles lecteurs pour leurs gentils témoignages :
« L'aventure, c'est quelque chose qui se raconte ».



























































Felicitaciones y muchos saludos de Arturo y Carla
A disfrutar de un bello lugar