12 - Huanine – fin du séjour
- Jo et Jo

- 6 mars 2020
- 7 min de lecture
Après 10 jours passés en baie d’Avea au sud de l’ile, Jo&Jo manifestait l’envie de bouger un peu de son mouillage de rêve et de voguer de nouveau vers Fare.
Ce fut l’affaire d’une heure et demie de navigation au moteur, en sortant toutefois du lagon pendant quelques milles pour vider les « eaux noires ». Sur notre catamaran, les toilettes babord et tribord sont collectées dans une cuve et ne sont vidées qu’en pleine mer pour éviter de souiller le lagon. Ce bateau est à lui seul une petite usine autonome, qui produit ses besoins en eau, en électricité et traite ses eaux usées…
Mais en réalité, cette sortie était programmée. Nous avions rendez-vous avec Annie et Pierre pour un baptême de plongée pour Sylvie. Une grande première !
Depuis Papeete, nous avions eu de très bons échos sur Annie qui dirige le Mahana Dive à Fare. Petite structure, accueil sympathique et accompagnement personnalisé. Tout ce qu’il faut pour découvrir sans appréhension le monde sous-marin dans les meilleures conditions.
Ici, c’est l’été austral et l’eau est chaude (environ 27 degrés, à peine moins que l’air ambiant qui oscille entre 27 et 32 degrés). Un simple shorty découvrant les jambes et les avant-bras est largement suffisant pour passer confortablement une heure dans l’eau.

Une fois équipés, nous gagnons le bateau qui nous emmènera au bord d’une passe, aux limites d’un jardin de corail à 5 mètres de profondeur et d’un tombant dont on ne voyait pas le fond.
Petit briefing avant d’enfiler le gilet stabilisateur lesté de plomb, portant sur le dos une bouteille d’air comprimé à 210 bars, de tester les embouts, de mettre les palmes et le masque et nous sommes parés pour le grand bain.
Une roulade arrière et nous voilà à l’eau, ponctuée du signe tout va bien dans le langage universel des plongeurs, avec un « O » entre le pouce et l’index pour signifier « OK » (le salut polynésien n’est pas reconnu par la fédération de plongée) …

Le baptême durera exceptionnellement 45 minutes, jusqu’à plus de 6 mètres de fond et Sylvie le passera avec brio, maitrisant au passage le vidage de masque et le fait d’ôter et remettre l’embout de respiration.
Pour Jacky, c’était une plongée de réadaptation, la dernière datant d’une douzaine d’années aux iles Canaries avec Jonathan.
Il a fallu quand même montrer la carte attestant du fameux niveau II (qui permet de descendre en autonomie jusqu’à 20 mètres, et accompagné d’un moniteur jusqu’à 40 mètres de fond).
Pas de vidéo hélas pour cause de panne de Go-Pro...

Nous n’avions pas le certificat médical ne certifiant aucune contre-indication à la plongée mais les conditions permettaient de s’en passer pour cette fois (la pression sur le corps double à 10 mètres de profondeur et est multipliée par 3 à 20 mètres).
Beaucoup de poissons, peu farouches et curieux de venir nous voir, et des coraux magnifiques.
Nous avons même eu la chance de voir passer une magnifique raie léopard longeant le tombant, dans le grand bleu.
Une belle initiation qui appelle d’autres plongées !
Depuis notre mouillage de Fare, nous voyons des paillottes et un ponton d’un hôtel de luxe. Il s’agit en fait d’un complexe hôtelier assez original. Nous profitons d’une sortie à terre pour le visiter.
Cet hôtel, appelé Lapita Village, abrite un très intéressant musée sur les origines des migrations de peuplades asiatiques dans le Pacifique jusqu’à la découverte des iles par les européens, Willis et Cook, à la fin du XVIIIème siècle.
Depuis le restaurant qui donne sur une piscine et la plage, nous voyons notre bateau qui attend sagement notre retour.


Cet hôtel, appelé Lapita Village, abrite un très intéressant musée sur les origines des migrations de peuplades asiatiques dans le Pacifique jusqu’à la découverte des iles par les européens, Willis et Cook, à la fin de 18ème siècle.
Son autre originalité est d’avoir construit ses petites maisons sur pilotis non sur le lagon comme c’est d’usage depuis 50 ans dans les iles (surtout à Bora Bora) mais autour d’un petit lac intérieur d’eau douce rempli de nénuphars, au sein d’une végétation luxuriante.
Cette disposition confère un charme unique et très particulier.

Ici, la vie s’écoule tranquille et tout se passe au bord de l’eau ou sur l’eau. Les nombreuses plages ne sont pas remplies comme en France mais les polynésiens aiment bien y venir pour y écouter de la musique, discuter, se baigner dans une joie qui fait plaisir à voir.
Autre institution dans ce pays : les courses de va’a, ces pirogues à balancier, solo ou multiples, que nous voyons un peu partout autour de nous, surtout le matin et le soir.
L’approche du Heiva, grande fête annuelle de mi-juin à mi-juillet qui, outre les chants et les danses, comporte des épreuves de va’a et de lancer de javelots notamment, explique sans doute cet entrainement régulier.
Cela semble assez physique et il est impressionnant de voir la vitesse de la grande pirogue avec 4 rameurs et un barreur passer devant nous, suivi de loin des petites pirogues individuelles.
C’est ainsi que nous passerons 3 jours à Fare, avant de retourner dans la baie d’Avea.
Nathalie, qui confectionne des paréos sur mesure et qui devait s’absenter pour une opération à Papeete, nous a appelés pour nous dire que c’était reporté et qu’elle était libre. Comme nous le sommes aussi, nous acceptons avec joie et nous mettons à dessiner le motif de ce paréo à l’image de notre bateau et de son environnement.
D’une dimension de 1,80 m par 1,15 m, il va nécessiter plus de 4 heures de travail.
Tout commence avec le traçage du modèle et du motif de vagues devant entourer le dessin central au moyen d’un gabarit confectionné sur le bateau. Puis les principaux éléments sont esquissés à la craie.
La phase suivante consiste à entourer chaque motif avec de la gutta. Il s’agit d’une solution à base de caoutchouc qui va délimiter des espaces à peindre ensuite et bloquer la propagation de la couleur dans les fibres. C’est pourquoi il faut veiller à ce que chaque dessin soit parfaitement fermé pour éviter les bavures.
Cela requiert une grande attention et un coup de main certain.
La peinture du paréo peut alors commencer, avec des pinceaux de différentes tailles. Nous choisissons deux tons de bleu sur fond jaune. Le tissu imbibe et propage la couleur jusqu’à l’arrêt de la ligne de gutta. Une couche de bleu plus foncée permet de réaliser des dégradés.
Au final, voici un paréo original, sans doute pas le plus beau mais reprenant le thème de notre univers : le bateau Jo et Jo, symbolisé par les deux dauphins, un poisson, une raie manta, des vagues, le tout sous le jaune du soleil omniprésent en Polynésie…
Il passera une journée entière au soleil afin de fixer les couleurs et pourra ainsi résister aux lavages et même à l’eau de javel.

Nous avons passé un après-midi formidable avec Nathalie, Veena sa fille de 10 ans, petite métisse de toute beauté (Nathalie nous apprendra qu’elle lui avait donné sans le savoir le nom du cyclone qui fut le plus dévastateur du siècle, en 1983) et son mari qui nous a offert un régime de bananes et une douzaine d’avocats, en toute amitié.
Ces victuailles sont venues compléter les ananas, pamplemousse et noix de coco, dans le filet du carré arrière.
En y ajoutant les poissons achetés la veille sur le port de Fare, nous avons de quoi survivre quelque temps avec les produits locaux, pour une poignée de francs pacifiques…


Pouvana'a a Oopa
Difficile de quitter Huahine sans citer l’enfant terrible du pays qui a marqué la Polynésie de son empreinte durant tout le XX ième siècle, jusqu’à une date très récente.
Cette ile, la plus sauvage et la plus authentique des iles sous le vent, a la particularité d’être la dernière à être rattachée à la France en 1888 (40 ans après Tahiti) après de nombreuses luttes dont un monument aux morts français garde le souvenir dans l’est de l’ile. La citoyenneté française n’a été accordée aux habitants qu’en 1946… L’arrière-arrière-petite-fille de la reine de Huahine à l’époque de Cook n’était autre que Pomare IV, reine de Tahiti sous le protectorat français, c’est dire la place importante qu’à Huahine dans l’histoire locale.
C’est à Fare, la capitale de Huahine (en fait, une petite bourgade) que naquit en 1895 Pouvana'a a Oopa Tetuaapua. Il fut appelé, de son vivant « Te Metua » (le père de la nation tahitienne).
En 1918, il part comme volontaire sur le front de Champagne pendant la grande guerre en métropole. De retour en 1919, il travaille à Tahiti comme charpentier. En 1940, il participe au ralliement des établissements français de l’Océanie à la France libre, initiée par le général De Gaulle. Après la seconde guerre mondiale, il fonde un comité qui réclame une modification des rapports entre la France et la Polynésie, activisme qui lui vaudra, en 1947 d’être emprisonné pour avoir manifesté contre la venue des 3 hauts fonctionnaires de métropole.
Elu le premier député tahitien en 1949, il gardera la tête de son parti jusqu’en 1958, prônant l’autonomie et la lutte contre les capitalistes. S’opposant par référendum à la constitution de la Vème république, et donc au Général de Gaulle, il est arrêté à la suite d’un incendie à Papeete et condamné à 8 ans de réclusion pour complicité de destruction d’édifices et détention d’armes et de munitions, assorti de 15 ans d’interdiction de séjour en Polynésie. Il est déchu de son mandat de député et passera de 1963 à 1968 dans les prisons françaises. Sous la pression de ses amis, le ministre accordera une grâce en novembre 1968. Amnisté, il est élu sénateur en 1971 jusqu’à sa mort en 1977.

Dès son retour à Tahiti, il demanda la révision de son procès de 1959 et sa réhabilitation, ce qu’il n’a pu obtenir de son vivant. Une première demande déposée par ses descendants en 1988 a échoué en cassation en 1995.
En 2009, l’assemblée territoriale votait une motion à l’unanimité en faveur de la révision du procès. La garde des sceaux saisit en 2014 la commission de révision. Le procès en révision s’ouvre le 5 juillet 2018. Le 25 octobre de cette même année, Pouvana'a a Oopa est reconnu innocent.
On peut voir son buste et lire une partie son histoire en face de l’assemblée territoriale de Papeete...
Un épisode venteux et pluvieux nous a cloués dans la baie pendant deux jours. Bien informés de la météo et en sécurité sur notre catamaran solidement accrochés à un corps-mort profondément ancré, nous patientons devant des films et des bouquins que viennent ponctuer quelques parties de Scrabble. Le beau temps revient bientôt et nous l’attendons pour poursuivre le voyage.
Nous sommes accompagnés pendant une demi-heure dans le lagon par un jeune homme bronzé et tatoué qui profite de notre sillage pour s’entrainer avec son va’a, puis nous nous séparons vers la passe de Fare au nord-ouest de l’ile.
Nous quittons enfin Huahine, l’île-femme et un dernier regard en arrière tandis que nous voguons vers Tahaa laisse apparaitre le profil d’une femme couchée sur le dos et enceinte.

L’ile-vanille n’est qu’à 22 milles et 3 heures et demie de navigation.
D’autres découvertes nous attendent, mais nous reviendrons à Huahine au retour avant de regagner Moorea et Papeete pour une nouvelle navigation de nuit dans la deuxième quinzaine de mars.







































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